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Essais & documents -> Questions de société et d'actualité |
| Bruno Cabanes Jean-Marc Pitte 11 septembre : la Grande Guerre des Américains Armand Colin 2003 / 21 € - 137.55 ffr. / 159 pages ISBN : 2-200-26485-2 FORMAT : 14x23 cm
L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II. Imprimer
Pour définir la nature de la guerre que les États-Unis ont déclarée au «terrorisme» à la suite des attentats du 11 septembre 2001, Bruno Cabanes, enseignant en histoire contemporaine à luniversité dAngers, et Jean-Marc Pitte, grand reporter à France 3, usent dun vocabulaire qui rappelle une autre guerre : celle de 1914-1918 (lun des chapitres névoque-t-il pas «lUnion sacrée» du peuple américain ?). Cest à cette époque, il est vrai, quont été inventées les recettes éprouvées du «conditionnement» dune nation. On parlait alors de «bourrage de crâne» et lon utilisait principalement les journaux ; on dit plutôt aujourdhui «information» et la télévision en est le principal instrument. Mais dans le fond, le but des dirigeants du pays reste identique : mobiliser la nation contre lennemi dans une lutte implacable pour la défense de valeurs communes. Car en 1914, en 1917 ou en 2001, les dirigeants de la France, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et même de lAllemagne (où, après tout, le suffrage universel était en vigueur à la veille de la Grande Guerre, même si ses résultats étaient «corrigés» par le caractère particulier des institutions locales et fédérales) ne sont que les mandataires des populations.
Létude de laprès-11 septembre à laide dune grille de lecture inspirée de lhistoriographie de la Grande Guerre peut paraître incongrue au premier abord, tant le monde semble avoir évolué depuis 1914. Et pourtant elle conduit à de troublants parallèles. La guerre des Américains a ses victimes innocentes (ces morts des Twin Towers nont-ils pas un lien de parenté avec ces Belges massacrés par les Allemands ou ces Arméniens par les Turcs ?), ses héros (pompiers, puis militaires envoyés en Afghanistan et en Irak) ; elle a son ou ses ennemis, à la fois diffus (la «nébuleuse terroriste») et personnalisés (Ben Laden, mollah Omar, Saddam Hussein). Cette guerre est totale, symbolique et culturelle, même sil ne faut pas la transformer en un choc de civilisations (un aspect qui est dailleurs contesté). Elle a déjà son lieu de mémoire, ses commémorations, ses projets de reconstruction.
Ce petit livre «de luniversitaire et du journaliste» nous prouve décidément, sil en était encore besoin, que la Première Guerre mondiale fut bien la matrice du XXe siècle, et nous fait penser quelle est peut-être encore loin davoir épuisé tous ses effets.
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 28/01/2004 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:D'une guerre mondiale à l'autre de Michel Launay , Jean-Paul Brunet , Michel Margairaz Géopolitique de l'Apocalypse de Frédéric Encel 11/9 de Noam Chomsky | | |
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