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Un postmoderne avant l’heure
Pierre Brévignon   Samuel Barber, un nostalgique entre deux mondes
Hermann 2011 /  35 € - 229.25 ffr. / 510 pages
ISBN : 978-2705681869
FORMAT : 15 x 24 cm

En librairie le 30 novembre 2011. L'auteur présentera son ouvrage le 2 décembre à 17 heures à la Fnac Montparnasse (Paris), et le 12 décembre à 20 h 30 à la Salle Cortot (Paris), dans le cadre du concert du Quatuor Rosamonde.

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Pierre Brévignon rappelle dans cette biographie, la première dédiée en France au compositeur de l’immarcescible Adagio pour cordes (1938), combien d’espoirs les États-Unis fondaient sur Samuel Barber (1910-1981) et quel embarras celui-ci éprouvait à les combler. Régulièrement décrété « plus grand compositeur américain », deux fois pulitzerisé, servi par les meilleurs interprètes (Charles Munch, Vladimir Horowitz, Bruno Walter, Arturo Toscanini, Isaac Stern, Leontyne Price…), Barber est d’autant plus décrié lorsque ses œuvres ne remportent pas le succès escompté. Certaines, livrées sans conviction à leur commanditaire avec des mois ou des années de retard, portent les stigmates d’une gestation heurtée ; mais l’opéra maudit Antony and Cleopatra, d’après Shakespeare, écrit pour l’inauguration du Metropolitan Opera de New York en 1966, ne dut sa descente aux enfers qu’à l’un des malentendus qui tissent son existence. Franco Zeffirelli avait conçu, pour ce huis clos hermétique, une mise en scène à la Cecil B. DeMille. Barber ne se relèvera pas de ce fiasco. Il sombre dans l’amertume, l’alcoolisme et le « rétromasochisme ». Ombrageux, malade, improductif, il doit laisser sa grande villa de Capricorn pour un deux-pièces à Manhattan, se sépare de son Steinway fétiche – celui de Rachmaninov – et subit les réjouissances factices qu’organisent ses amis pour tromper sa solitude, lui qui fut avec Truman Capote l’un des princes de Big Apple, non moins snob et médisant.

Face aux jusqu’au-boutistes européens des années 1960-70, Barber faisait figure d’attardé, de ceux qu’Alex Ross, dans sa copernicienne histoire de la musique au XXe siècle (The Rest is Noise, Actes Sud, 2010), a classés, avec Britten, Sibelius ou Chostakovitch, parmi ceux qui rechignèrent à monter dans le train fantôme de l’avant-garde. Ses concertos pour violoncelle ou piano, ses Essays pour orchestre n’étaient pourtant pas ennemis de la dissonance, pourvu qu’elle dise juste. Mais, paradoxal par nature, Barber est un postmoderne en avance sur son temps. Son œuvre – cachée par l’Adagio, 51e étoile du drapeau américain, aussi fameux que celui d’Albinoni – est encore soupçonnée d’un sentimentalisme que ses finales trépidants (celui de la Sonate et des concertos) s’empressaient de piétiner. Il ne cherche pourtant qu’à cerner au plus près des états émotifs, méthodiquement mais sans artifices, déclarant : « Je ne cherche pas à composer pour le public ni pour les musiciens. Pas même pour la postérité. Je compose pour moi. » D’où la gestation parfois lente d’un catalogue dense mais réduit, qui partage avec celui de Ravel la particularité de rarement s’illustrer deux fois dans un genre. En fait, son œuvre offre la combinaison assez rare d’un romantisme assumé et d’un perfectionnisme maladif. Sa « réserve aristocratique », sa « sensibilité d’écorché vif » s’expriment au mieux dans ses mélodies, soigneusement ourlées d’après Joyce, Kierkegaard ou Neruda. Barber était un baryton émérite, et c’est bien le lyrisme qui caractérise le style de son Concerto pour violon ou de Vanessa, opéra inspiré des Contes gothiques de Karen Blixen.

Contrairement à Roy Harris, Leonard Bernstein ou Aaron Copland, Barber n’a jamais voulu saisir l’essence de l’américanité. « Nostalgique entre deux mondes », ses modèles sont européens. Bach est le dieu de sa jeunesse, Brahms celui de son adolescence, Gian Carlo Menotti le compagnon (passablement désinvolte) de sa vie d’homme, l’Italie du Quattrocento sa patrie spirituelle. Son inspiration, littéraire, est scrupuleusement apolitique. Et si la cantate Knoxville, summer of 1915 ne pouvait s’enraciner qu’au Tennessee, c’est l’énigme universelle de l’enfance qu’y restitue Barber. La sienne fut privilégiée, entourée de parents incroyablement compréhensifs, qui n’entravèrent ni sa vocation ni la révélation précoce de son homosexualité. « Je ne suis pas né pour être un athlète, je suis né pour être compositeur, écrivait-il à sa mère à l’âge de neuf ans. Alors, s’il vous plaît, ne m’envoyez plus au football… » Les queer studies, en vogue outre-Atlantique, ont fait une lecture pro domo de cette profession de foi, où percent surtout l’humour, un esthétisme raffiné et un caractère obstiné.

Pour cerner toutes les facettes de l’« homme complexe et énigmatique » évoqué par la chef américaine Marin Alsop dans sa préface, Pierre Brévignon – fondateur de l’Association Capricorn – n’a pas seulement retourné les archives et épluché la presse internationale : il a eu l’heureuse idée de recueillir les témoignages d’intimes de Barber et de dizaines d’interprètes passés ou présents de sa musique, de Dietrich Fischer-Dieskau à Barbara Hendricks. Leurs interventions ajoutent à l’objectivité sans faille du biographe, que l’empathie n’aveugle pas, les éclairages subjectifs qui donnent vie à son portrait. Un CD d’enregistrements historiques inédits complète cette passionnante évocation, qui coïncide avec le 30e anniversaire de la disparition du compositeur.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 16/11/2011 )
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Ailleurs sur le web :
  • Le site de Capricorn, l’Association des amis de Barber.
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