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Les Tours abolies de Barraqué
Paul Griffiths   La Mer en feu : Jean Barraqué
Hermann - Musique 2008 /  22 € - 144.1 ffr. / 350 pages
ISBN : 978-2-7056-6777-1
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Barraqué, combien de partitions ? Sept en vingt ans, mais escortées de dizaines d’œuvres inconnues, car incomplètes. Il s’en faut parfois de trois portées, dont il a sciemment négligé de coiffer ses édifices. Comme sa gigantesque Sonate pour piano, progressivement mangée par le silence, Barraqué (1928-1973) ne sentait pas la nécessité d’accomplir une œuvre. Ce qui fit de lui un maudit, un «suicidé de la société». D’où la défiance institutionnelle d’un Boulez.

La plupart de ses œuvres ne furent créées que de longues années après leur conception – ou leur abandon car, jaloux du néant, cet Orphée s’était voué à l’«inachèvement sans cesse». On n’a pas impunément la révélation à douze ans, au son de l’Inachevée de Schubert, au grand désarroi de parents qui vous destinaient à la prêtrise. À vingt ans, ce jeune homme perturbé, neurasthénique, déjà alcoolique, est désorienté par la découverte de son homosexualité. Il était, selon Foucault dont il fut proche, «adorable, laid comme un pou, follement spirituel».

Néanmoins, cet angoissé préféra s’infliger tout seul le sort que le temps lui réservait, exposant à l’érosion son sérialisme proliférant. C’est une manie chez lui que de contrarier sa nature, brisant ses élans pieux d’adolescent par de furieuses embardées anticléricales – ou bien, devenu adulte, navrant ses amis par les excès de son caractère. Cet ermite sériel, qui vomissait la musique tiède («Rossini, c’est égal à Gilbert Bécaud»), nourri de Nietzsche, Dostoïevski, Kierkegaard, plus tard de Broch – dont il omettra soigneusement d’achever La Mort de Virgile – manie la musique comme on remue des idées.

Cet onanisme n’a pas assuré, on s’en doute, sa réussite sociale. Son style velléitaire, son désintérêt avoué pour la notation écœuraient Boulez : «C’est un homme qui n’a jamais su acquérir le sens du matériau et de la forme musicale. Il avait tout pour être un raté, avec des dons qu’il n’a pas su faire fructifier.» À la différence de sa génération, qui voulut contrôler jusqu’au hasard, la radicalité de Barraqué était au service d’un tempérament profondément romantique, pour ne pas dire torturé. On l’a comparé au dernier Beethoven, pour sa rugosité. «Musique de qualité, cela ne veut plus rien dire. […] La musique, c’est le drame, c’est le pathétique, c’est la mort. C’est le jeu complet, le tremblement jusqu’au suicide.» Il ne lui aura manqué que la folie.

Sachant le peu de lecteurs qu’il aurait, le musicologue Paul Griffiths, qui l’a connu, a choisi l’audace en s’adressant directement à son sujet, d’un bout à l’autre de ce livre : «Voilà comment cela a commencé, Jean.» Ce procédé n’est jamais ridicule ni artificiel : lorsqu’un procès paraît perdu d’avance, l’amitié est la dernière et parfois la meilleure défense. Les jurés du prix des Muses XXe siècle n’en ont pas été effarouchés : ils viennent de récompenser cette biographie, dont une première version était parue aux USA en 2003.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 18/05/2009 )
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