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La vie est un songe ?
Tullio Kezich   Federico Fellini. Sa vie et ses films
Gallimard - NRF Biographies 2007 /  26 € - 170.3 ffr. / 410 pages
ISBN : 978-2-07-077493-7
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

Traduction de François Martin.

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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"Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait jamais fait renoncer personne à avoir une vie", a écrit avec beaucoup de drôlerie Emil Cioran. Ici en outre, écrire la biographie de Federico Fellini relève de la gageure. Il est vrai que pénétrer dans la vie et de surcroît dans la vie intime d'un tel artiste est toujours impudique et gênant. Qui accepterait, même après sa mort, qu'on répande lettres, vie privée, relations intimes, tiroirs secrets ? De surcroît à une époque qui adule comme à une nouvelle messe la «transparence», l’exhibition et les «people» ? Certes, Tullio Kezich n'est pas un inconnu et fut un ami du cinéaste. C'est d’ailleurs grâce à un ami commun, Leopoldo Trieste, que Tullio Kezich rencontra le maestro à la Mostra de Venise en 1952 sur la terrasse de l'Hôtel des bains immortalisés par Thomas Mann dans Mort à Venise. Et Tullio Kezich ne dévoile que peu de choses en vérité.

Cette biographie est en fait une mise à jour et une révision de la biographie publiée en mai 1987 par les éditions Camunia puis en septembre 1988 par les éditions Rizzoli. Cette fois-ci, cette biographie est publiée en collaboration avec la Fondation Fellini, propriétaire d'une collection de 12 000 documents, photos, dessins, scénarios et pièces originales de tournage concernant Federico Fellini ainsi qu'une centaine de réalisateurs. Elle a signé un partenariat avec la maison Gallimard en vue de fournir 60% des illustrations de l’ouvrage.

Non, Federico Fellini n'est pas né lors d'un voyage en train. Légende, commence par dire le biographe. Et il explique qu’à cette époque les cheminots étaient en grève. C’est peut-être la réelle originalité de la biographie que de faire preuve de démystification (et rétablir la réalité) plutôt que de céder à l’indiscrétion ou l’impudeur.

Federico Fellini est originaire de Rimini, dans l'appartement du 10 viale Dardanelli, d'un père, Urbano Fellini, commerçant en gros, et d'une mère, Ida Barbiani. Il naît en 1920. Le petit Fellini est plutôt solitaire et introverti. Et surtout, il rêve. Il a baptisé les quatre coins de son lit du nom des quatre cinémas de Rimini : le Fulgor, le Savoia, le Sultano et l'Opera Nazionale. Fellini se serait enfui de chez lui (première fugue) à la suite du numéro du clown Pierino. L'épisode est démenti par sa mère.

Fait un peu étonnant, Federico Fellini aurait peu fréquenté le cinéma dans sa jeunesse. Il est plus intéressé par le cirque, le music hall, la B.D. tel Félix le chat de Pat Sullivan, Pim, Pam Poum de H. H. Knerr (The Katzenjammer kids) et surtout le dessinateur Antonio Augusto Rubino dont les planches colorées ont influencé la vision du monde, le style et l'humour du futur réalisateur. Il s'intéresse aussi aux livres d'aventures telles Les Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe (il adaptera un conte), Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, Oliver Twist, L'Île au trésor ou Robinson Crusoé.

Federico Fellini va rapidement se faire connaître grâce à son coup de crayon. En 1936, le futur cinéaste séjourne au camp de Verucchio dans les collines à vingt kilomètres de Rimini, où il exécute quelques caricatures de la Balilla (autrement dit l'ONB, Opera Nazionale Balilla, institution fasciste à caractère parascolaire dont les enfants et adolescents de huit à dix-huit ans ont obligation de faire partie) en tenue de mousquetaires. Les dessins sont publiés dans l'unique numéro de La Diana de l'Oeuvre Balilla de Rimini en février 1937. Il y a ensuite d'autres épisodes comme l'association de Federico Fellini avec un ami, le peintre Demos Bonini, pour ouvrir une boutique vendant des dessins pour les vacanciers. C'est un passionné de Fumetti (bandes dessinées) et il publie ses croquis en 1937 avant de réaliser des caricatures d’acteurs exposées dans le hall du cinéma Fulgor.

Le futur cinéaste verra ses premiers dessins publiés par le journal Domenica del Corriere, puis ensuite à l'hebdomadaire 420 ou L’avventuroso. Rapidement, Federico Fellini part à Rome et là, tout va changer avec sa ville, ville à laquelle il dédiera un film entier, Roma. Là aussi, il joue de son coup de crayon pour survivre, faisant des caricatures pour les clients des restaurants. Peu à peu, il rentre dans la rédaction du Marc'Aurelio, au Popolo di Roma. Federico Fellini parvient dans le cinéma et d'abord à la radio avec son ami Ruggero Maccari, avant d'être le "nègre" de Cesare Zavattini, dit Za. Il devient son gagman car ce dernier est surchargé, et devient peu après celui du comédien Aldo Fabrizi.

Rapidement, notre futur maestro devient scénariste, en 1942, pour I Cavalieri del deserto de Gino Talamo et Osvaldo Valenti, puis pour Roberto Rosselini avec Rome, ville ouverte (1945), Païsa (1946), La Voix humaine (1948), etc. Mais aussi pour Alberto Lattuada et Pietro Germi. C'est d'ailleurs le cinéaste Alberto Lattuada qui lui offrira une co-réalisation avec Les Feux du music-hall (1950). Sa carrière est lancée et les premiers chefs d’œuvres vont défiler : I Vitelloni (1953), La Strada (1954). Et le tournant avec La Dolce vita (1960) et Huit et demi (1963) qui lui assurent une renommée internationale en même temps qu'une consécration critique et publique. Entre temps, il a rencontré Giuletta Masina et se marie avec elle en 1943, en pleine guerre.

Bref, sur le plan strictement biographique, on n'apprend rien de substantiel sinon ici ou là quelques maîtresses, que Federico Fellini s'intéressa à l’inconscient, aux rêves grâce à son analyste, le jungien Bernhard, et même à la magie et au spiritisme grâce à Gustavo Adolfo. Le cinéaste fit même une expérience du LSD 25, suivie médicalement, mais visiblement sans que cela ne soit bien concluant. On en saura peu sur l'apolitisme de Federico Fellini, italien atypique, n'aimant pas le football et guère la musique. Heureusement, la biographie s’intéresse plus aux tracasseries des tournages au point d’épouser quasiment chapitre par chapitre les films que Federico Fellini réalise au fil des années. On suit d’ailleurs avec intérêt les péripéties d’un scénario, Le Voyage de G. Mastorna, qui ne fut jamais réalisé.

Nul doute que Federico Fellini tenta de percer le voile des apparences et/ou de la conscience afin de capter et de transcrire poétiquement et sensiblement, par l’intermédiaire du cinéma, les mystères de l’existence. Sur ce point, le livre est plus décevant quand l'auteur tente de séparer la réalité du rêve, comme si, en fin de compte, Federico Fellini aurait fui la réalité pour se réfugier dans le rêve, et même de confondre cinéma et biographie : "Le Livre des rêves, commencé entre La Dolce Vita et Huit et demi, marqua un virage décisif dans l'oeuvre de Fellini qui fut désormais, mais surtout d'inspiration onirique. C'est comme si le réalisateur quittait la réalité, tirant les conséquences extrêmes de la rupture définitive du cordon ombilical qui le reliait à son lieu de naissance, à sa famille, à son adolescence et à tous les autres aspects de son contexte historique et social d'origine (surtout l'éducation ou la mauvaise éducation reçue à l'école et au sein d'une société fascisée). Au début des années soixante, Fellini a épuisé ces sujets, réglé les comptes en suspens et payé sa dette à l'école du néoréalisme, dont il a dépassé le point de vue et les enseignements, entrant dans une dimension plus vaste, labile et fuyante. Dès lors, on peut dire que, pour Fellini, la vie est un songe." (p.233)

On est surpris que Tullio Kezich distingue le rêve de la réalité alors que si Federico Fellini en passe par le rêve, c'est pour mieux éclairer la réalité (ou le réel), comme par en-dessous si l’on ose dire, nullement pour la fuir. Il opère un détour histoire d'éviter le réalisme et le naturalisme. La réalité ne s'aborde pas forcément par le réalisme et c'est sans doute pour Fellini un plus grand mensonge que de le faire croire, surtout au cinéma à cause de l'effet de réel que procure cet art si particulier. Et n’oublions pas que le cinéaste a utilisé au fil de ses films l’art (un pur artifice) et qu’il a totalement joué du vrai et du faux en réinventant artificiellement la réalité même. Il est en définitive très cohérent.

Si le livre est plutôt bien écrit, captivant, bien documenté, intéressant pour saisir le parcours d'un tel génie, il risque d'être décevant pour les amateurs de détails croustillants (ce qui est une bonne chose finalement). D’un autre côté, il est aussi décevant sur l'art même de Federico Fellini, dans la façon par exemple dont il l'appréhendait et qu’elle pouvait être son esthétique propre (même si le cinéaste n’aimait pas le cérébralisme, son cinéma a tout de même une esthétique précise), comme son non-romantisme et son ironie féroce. Il y a là une déception notoire car l'auteur ne redonne pas la véritable ampleur et profondeur d'un tel génie du cinéma (pourquoi est-il si génial ?), ce qui permettrait non seulement de le faire découvrir mais de saisir pourquoi et comment Federico Fellini se distingue par son art. Sans quoi, on n'écrirait pas une biographie sur lui.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 12/03/2008 )
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