L'actualité du livre Mercredi 24 avril 2024
  
 
     
Le Livre
Essais & documents  ->  
Questions de société et d'actualité
Politique
Biographies
People / Spectacles
Psychologie
Spiritualités
Pédagogie/Education
Poches
Divers

Notre équipe
Littérature
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Essais & documents  ->  People / Spectacles  
 

Amy avait peut-être assez de problèmes comme ça...
Nick Johnstone   Amy Amy Amy - L'histoire d'Amy Winehouse
Editions Numéro 1 2008 /  14.90 € - 97.6 ffr.
ISBN : 978-2-84612-254-2
FORMAT : 15,0cm x 23,0cm
Imprimer

Un livre sur l'une des grandes révélations musicales – et «people» - des dernières années, cela ne peut que se vendre. Bien entendu. Ce n'est pas ce qui empêche la quatrième de couverture de s'indigner avec une honnêteté bien habile du cannibalisme assumé d'une certaine presse à sensation toujours plus vorace ; une honnêteté qui pourrait faire naître un léger sourire de dérision amusée, du reste, lorsque l'on retourne le volume. La star rendue presque terne par le fond agressivement pop sur lequel se découpe sa silhouette mince et lisse se déhanche, tristement banale et la poitrine barrée en diagonale d'un bandeau rouge aguicheur : «L'histoire d'Amy Winehouse». Le maquillage extravagant et le regard brûlant ont disparu, cachés par une mèche rabattue avec soin sur un visage désormais insignifiant, tandis que le haut court et blanc lui donnerait presque une allure de lolita hip-hop ne seraient-ce les tatouages, sans doute un peu plus difficiles à camoufler.

A première vue, donc, rien ne semble plus douteux que de voir les objectifs officiellement affichés atteints. Rien n'autorise à supposer que, par-delà la figure de la célébrité dont les frasques multiples font la joie des tabloïds, on se recentrera enfin sur la musicienne et ce qui en elle est authentique.

Pourtant, la lecture des presque deux-cents pages qui suivent rassure quant à la perspective envisagée : il s'agit bien de décrypter le parcours, l'univers et les références artistiques de la jeune chanteuse britannique. Malheureusement, Nick Jonhstone se trouve terriblement handicapé dans cette tâche ardue par un sens de la narration assez désespérant et un style à la fois plat, pauvre, et trop souvent incapable de gérer le lyrisme dans lequel il se fourvoie de temps à autre à grand bruit (il semble peu probable que la traduction soit seule responsable de ces maladresses formelles). Entre les descriptions fumeuses de chaque coin de rue dans lequel la petite Amy est susceptible d'avoir mis les pieds, et les compilations d'articles de journaux gratuits londoniens relatant tous les débordements de la même petite fille entre temps devenue grande, récits pris d'ailleurs sans trop s'embarrasser de recul, tout est mis en demeure d'expliquer sa musique ; et, pour que ce soit bien clair, les listes de noms s'enchaînent. L'auteur est critique musical. Alors, parfois extrêmement pointues pour le non-initié, les références à une pléiade de grands artistes de jazz, soul, pop et hip-hop se mêlent aux évocations de managers, producteurs, arrangeurs et musiciens divers.

On aurait tort de s'en plaindre, il connaît bien les acteurs du milieu musical qu'il cite, la culture qu'il met en scène ; il est d'autant plus surprenant et décevant de le voir juxtaposer sans précaution des noms qu'il ne hiérarchise à aucun moment et ne semble appréhender bien souvent qu'en fonction de leur impact commercial. S'extasier sur la capacité de Amy Winehouse à réinterpéter et intégrer de façon très personnelle des standards qui ne devraient pas lui appartenir et recourir pour l'illustrer à la façon dont on peut discerner dans son oeuvre une version britannique et presque adolescente tant de Sex and the city que de Sarah Vaughan peut paraître dérangeant voire absurde : faut-il donner la même valeur artistique aux deux ressemblances ? Faut-il les trouver aussi impressionnantes et aussi dignes l'une et l'autre d'appuyer les louanges qu'il décerne à pleine poignées à la chanteuse à succès ?

De la même manière, N. Johnstone refuse systématiquement de porter le moindre jugement sur les chanteurs et chanteuses dont il raconte pourtant parfois les rapports pour le moins ambigus avec Amy Winehouse (Norah Jones, Lily Allen, Katie Melua, U2, etc.). Il est poli avec tout le monde, explique que Bono est respectable parce qu'il est le leader d'un groupe solidement établi ou bien que Stefan Skarbek est un personnage important de la scène musicale parce qu'il a depuis écrit des textes pour Mel C des Spice Girls. Cette volonté de ne critiquer personne rend malheureusement moins crédibles ses élans d'enthousiasme pour Amy : qu'elle soit un croisement (c'est une de ses obsessions) entre des divas extrêmement connues de la soul et du jazz convainc bien moins de la qualité du résultat quand les divas évoquées ne sont jamais évaluées. Pour tenter de persuader sérieusement qui que ce soit de son caractère exceptionnel, il aurait peut-être fallu oser dire en quoi les artistes auxquels on aurait pu vouloir l'assimiler appartenaient définitivement à une catégorie différente, d'un autre niveau.

D'autre part, l'analyse du style de la chanteuse provocatrice se perd parfois dans les méandres de ses évolutions, d'un disque à l'autre, d'une chanson à l'autre. L'auteur se lance dans un recensement à visée presque exhaustive de toutes ses influences – que ce soit au cours de sa formation musicale, ou bien celles nées des rencontres et collaborations diverses, et l'on en oublie de prendre un recul suffisant pour, là encore, les hiérarchiser et déterminer celles qui étaient vraiment décisives. De façon étrange, on a l'impression que le critique a voulu se cantonner à un rôle d'historien, mais un historien lui-même cantonné à un travail de collecte intellectuellement peu ambitieux de tous les points censés être utiles à une biographie musicale, sans avoir à justifier de leur utilité ni de leur place dans la vie de l'héroïne de la dite biographie. Cela rend le tout passablement ennuyeux, particulièrement quand N. Johnstone intercale dans cette liste chronologique de changements d'école ou de managers, dans l'énumération des concerts, des différentes sessions d'enregistrement, deux chapitres dont on peine à saisir le sens.

En effet le livre est de toute évidence destiné à des inconditionnels de la star, ce dont attestent le titre, la couverture, les détails biographiques à l'intérêt incertain aussi bien que les références qu'un amateur de musique punk ou baroque aurait du mal à interpréter. Pourtant, lorsque vient le moment d'évoquer la sortie des deux albums Frank et Back to Black dans la narration linéaire qu'il a entamée, l'auteur rédige deux séries de résumés de chansons. Or on peut supposer qu'un fan connaîtra bien plus que ces descriptions à la limite de la paraphrase, si éloignées de la vitalité et la sensibilité souvent dramatiquement sombre auxquelles elles font référence.

Cette difficulté à définir le public cerné est plus que dommageable en terme d'efficacité, d'autant que le livre s'achève par un compte-rendu des déboires sentimentaux, alcooliques et autres de Amy Winehouse qui n'a rien à envier à celui qu'en font les tabloïds d'ailleurs abondamment cités. S'agit-il donc d'une biographie a destination d'admirateurs bien informés de la musicienne, ainsi que sembleraient le faire croire les premiers chapitres, ou bien un ouvrage de vulgarisation à l'attention de ceux qui chercheraient à comprendre ce qu'est le «phénomène Amy», dont la réputation a atteint leurs oreilles sans que ses chansons ne l'aient pour autant fait ? Ou bien, comme le suggère le caractère tape-à-l'oeil de la maquette et le ton des derniers chapitres, un livre destiné à ceux que les excès en tout genre de la popstar fascinent?

Bien que nous soyons ici loin d'être en présence d'un texte entrant exclusivement dans cette troisième catégorie, le refus de choisir clairement entre les genres envisageables dans un tel cas (celui de l'étude d'un personnage aussi polémique et insaisissable) empêche Amy Amy Amy d'être un livre satisfaisant sur aucun de ces plans, malheureusement. On ne peut nier l'existence d'une empathie certaine et probablement d'une véritable admiration de la part de Nick Johnstone pour Amy Winehouse. Pour autant, il est très regrettable qu'une artiste aussi fascinante ait été présentée ici avec les seuls moyens que pourvoyait cette bonne volonté, laborieuse et peu inspirée.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 27/06/2008 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd