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Alice au pays des horreurs | | | Alice Miller Notre corps ne ment jamais Flammarion 2004 / 17 € - 111.35 ffr. / 203 pages ISBN : 2-08-210362-5 FORMAT : 14x22 cm
L'auteur du compte rendu: titulaire dune maîtrise de Psychologie Sociale (Paris X-Nanterre), Mathilde Rembert est conseillère dOrientation-Psychologue de lEducation Nationale. Imprimer
Alice Miller, psychanalyste de langue allemande, sintéresse depuis de nombreuses années à la maltraitance des enfants. Elle a notamment écrit Le Drame de lenfant doué (PUF 1983) récemment réédité. Elle persiste et signe dans ce nouvel opus, court et très facile à lire.
A. Miller y fait le procès de ce quelle nomme la «pédagogie noire» qui consiste en une sévérité excessive allant jusquaux coups alors quon explique à lenfant que cest «pour son bien». Elle conteste la valeur du quatrième commandement («tu honoreras ton père et ta mère»). Même après avoir subi de mauvais traitements de la part de leurs parents, des sujets devenus adultes sefforcent dobéir à ce précepte qui imprègne aussi la psychothérapie. Ainsi, des thérapeutes conseillent à leurs patients de «pardonner» à leurs parents. Or, lorsque nous sommes censés socialement ressentir quelque chose (par exemple lamour et la gratitude envers ceux qui nous ont mis au monde) alors que nous ressentons en réalité autre chose (la colère, la peur), le corps se révolte : la maladie psychosomatique fait son apparition, quand ce ne sont pas des troubles de loralité (toxicomanie, anorexie). En effet, le corps, contrairement à la morale, nest pas mensonger : il se souvient de tout, donc aussi de la violence subie par le passé.
Mais la moralisation nest pas le seul ennemi dAlice Miller. Elle cite une enquête selon laquelle les adultes ayant été maltraités étant enfants développent plus de maladies par la suite. Or selon les croyances actuelles, nos problèmes ont une base purement biologique et cest aux médicaments quil revient de les régler.
Comme beaucoup de ses confrères, quand ils écrivent, Alice Miller étaye ses affirmations par des exemples de patients anonymes qui ont suivi des thérapies ; mais aussi, choix plus étonnant, elle analyse le parcours dauteurs célèbres à la lumière de ce que lon sait de leur enfance. Dostoïevski, Tchekhov, Kafka, Nietzsche, Schiller, Woolf, Rimbaud, Mishima, Proust, Joyce, furent tous des enfants maltraités et moururent relativement jeunes.
La critique que fait Miller de la «pédagogie noire» suscite la sympathie mais peut sembler décalée à une époque où lon se plaint plutôt dun manque dautorité dans léducation. Prenant le parti des enfants, elle sintéresse peu aux difficultés que rencontrent les parents. Or l«intérêt de lenfant» passe en grande partie par celui de ses parents. Des parents maltraitant lont souvent été eux-mêmes dans leur enfance et ont rarement reçu des soins. La pauvreté matérielle ou le fait dêtre un parent migrant perdu dans une société daccueil pas toujours très accueillante peuvent aussi jouer un rôle. De nombreux parents sont souvent seuls face à leurs problèmes. Alice Miller évoque assez peu ce quil conviendrait de mettre en place pour aider ces parents à assumer leur rôle. Cest pourtant la question principale que le lecteur se pose en refermant son livre.
Mathilde Rembert ( Mis en ligne le 07/02/2005 ) Imprimer | | |
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