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Sciences, écologie & Médecine -> Ecologie & nature |
| Adolphe Nicolas Futur empoisonné - Quels défis ? Quels remèdes ? Belin - bibliothèque scientifique 2007 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 159 pages ISBN : 978-2-7011-4469-6 FORMAT : 19,0cm x 25,0cm
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
Nous voyons de plus en plus émerger une prise de conscience individuelle et planétaire des modifications que lhomme impose au climat terrestre. La complexité des phénomènes à luvre ainsi que les divergences de scénarios et dinterprétations, ajoutés parfois à beaucoup de mauvaise foi, ne clarifient cependant pas la compréhension du citoyen lambda. Que croire ? Qui croire ? Les prophètes de malheur qui se posent en Cassandres et annoncent soit le déluge, soit une nouvelle glaciation, soit des températures vénusiennes ? Les apôtres du «consommer toujours plus», fervents défenseurs de la croissance du PIB mondial et de nos modes de vie gaspilleurs ? Récemment, le GIEC (Groupe International des Experts sur le Climat) a tranché la question du réchauffement pour les scientifiques : il ne peut plus être nié ; la responsabilité de lhomme dans celui-ci est établie. Cest déjà bien.
Mais il reste la question de la prospective, du futur. Comment va évoluer le climat ? Existera-t-il une stabilisation du réchauffement et des équilibres climatiques et planétaires à quelques degrés au-dessus de la situation actuelle ? Existe-t-il un point de non-retour au-delà duquel les rétroactions positives seront telles que le climat ne pourra plus être maîtrisé par une régulation planétaire et que le réchauffement semballera ? Est-il nécessaire, souhaitable, voire possible de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? A quelles échéances ? Pour quels résultats possibles ? La réponse des scientifiques ne résout rien pour le citoyen car elle implique de nombreuses autres interrogations dont certaines ne dépendent pas dun programme de recherche mais bien dun choix politique au sens large, cest-à-dire de nous tous.
Le sujet du réchauffement climatique fait de plus en plus de bruit et cest indéniablement une bonne chose. Ainsi, le récent Une vérité qui dérange dAl Gore a notablement marqué les esprits par une démonstration «à laméricaine» avec un show descriptif mais un peu court au niveau des analyses et des solutions. Dans un autre registre, Nicolas Hulot, avec son «Pacte écologique», a fait brillamment entrer le sujet écologique dans la campagne présidentielle. Néanmoins, toutes ces manifestations ont ceci en commun quelles ne permettent pas de comprendre les phénomènes à luvre et quelles simplifient parfois abusivement les problèmes. Le risque est bien la tentation dun simplisme «pédagogique». Prenons par exemple la question du nucléaire : qui doit-on croire ? Certains écologistes qui dénoncent la dangerosité de ce mode de production délectricité et pointent notamment le problème des déchets que nous lègueront à des centaines de générations futures ? Certains écologistes qui en appellent au nucléaire pour réduire le plus vite possible et de façon drastique les rejets de gaz à effets de serre ? Pour être en mesure de se faire sa propre opinion sur tous ces problèmes, il est nécessaire de chercher ailleurs que dans les médias. A cet égard, on ne peut que recommander chaudement louvrage dAdolphe Nicolas.
Trois ans après 2050, rendez-vous à risques, Nicolas Adolphe commet un nouvel ouvrage qui remet les pendules à lheure et tient compte des avancées importantes de la recherche dans un domaine de plus en plus prégnant des sciences. Lenjeu est triple : identifier pour les comprendre les mécanismes du climat et de son changement ; prendre conscience de la responsabilité humaine dans les changements actuels ; réfléchir aux actions à mener pour redresser une situation globale fort compromise. Lexposé est clair tout en restant riche et précis. Des encarts mettent laccent sur tel ou tel point précis et proposent certaines analyses plus complexes. Liconographie participe grandement à la démonstration en rendant perceptibles de nombreux phénomènes. Prenons un exemple. La fameuse courbe des températures en «crosse de hockey» : elle met en évidence sur la longue durée le caractère soudain et brutal du réchauffement en cours depuis la 1ère révolution industrielle. En effet, si des variations climatiques, plus ou moins importantes selon les moments, ont toujours existé (citons pour mémoire le Petit âge glaciaire médiéval si bien décrit par Emmanuel Le Roy Ladurie dans son Histoire humaine et comparée du climat chez Fayard), la variation actuelle est sans commune mesure. La courbe citée permet de le visualiser sans le moindre doute. Les planisphères sont eux aussi riches de compréhension. Ainsi celui qui montre les flux de gaz carbonique vers latmosphère et qui met en évidence la localisation de la production de ce gaz dans les régions les plus fortement anthropisées et industrialisées alors que les zones de grandes forêts et les océans froids sont au contraire des zones captatrices.
En cinq chapitres, Adolphe Nicolas fait le tour de la question, que ce soit dun point de vue factuel et explicatif ou du point de vue analytique et prospectif. Lauteur commence par mettre en évidence le réchauffement en cours. Il évoque particulièrement la question des prévisions climatiques. Puis, il explique pourquoi le climat change et pourquoi il a changé. Il aborde la question de lensoleillement et de sa variation à léchelle géologique. Il explique comment la Terre met en uvre un processus dauto-régulation pour maintenir un équilibre entre gaz à effet de serre et niveau de température permettant la vie. Il sinterroge aussi sur la position de lhomme par rapport aux changements que connaît le climat : il conclut, sans surprise mais en le démontrant, que lhomme est bien le coupable. Il analyse ensuite le gaz carbonique, ses fonctions, ses cycles, son origine. Il passe alors aux solutions et analyse la question de la «séquestration» ou «capture» du gaz carbonique dorigine anthropique : absorption par les plantes et le plancton, dissolution dans locéan, procédures de stockage artificiel, risques de fuite ou de dégazage massif
Mais la séquestration est-elle vraiment une solution si nos sociétés et économies continuent de fonctionner aux combustibles fossiles et à se fonder sur lidée dune croissance infinie ?
Ce sont donc ces questions quil finit par étudier dans un dernier chapitre, sans doute le plus stimulant pour notre réflexion car il pose les questions de fond : la croissance est-elle soutenable ? débauche et maîtrise de lénergie ; combien de temps pour le pétrole ? la responsabilité des transports dans le gaspillage énergétique. Il termine par une courte mais intéressante réflexion sur le monde tel quil pourrait être en 2050. Ainsi, l'auteur nous propose un tour dhorizon complet du problème, simple mais non simpliste, clair mais non dogmatique. Une approche synthétique et stimulante en définitive.
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 23/04/2007 ) Imprimer
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