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Queer / Psychanalyse :
les cartes d’un débat
Javier Sáez   Théorie Queer et psychanalyse
Epel 2005 /  24 € - 157.2 ffr. / 144 pages
ISBN : 2-908855-85-2
FORMAT : 15,0cm x 23,0cm

L’auteur de l'article : Arnaud Genon est professeur de Lettres Modernes et enseignant à Troyes. Doctorant à l’Université de Nottingham Trent (thèse sur Hervé Guibert), il est aussi membre du groupe Autofiction de l’ITEM (CNRS-ENS).
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C’est dans le champ des études Gay et Lesbiennes que se développe depuis la fin des années 80 la théorie queer. En réaction à la «culture gay» qui tendait à se transformer en une nouvelle bourgeoisie constituée d’hommes blancs, de classe moyenne ou haute, des collectifs de femmes lesbiennes, chicanas, noires, latines, connaissant des problèmes d’insertion sociale, prenaient leurs distances «d’avec ce modèle idyllique et conservateur gay, refusant de se reconnaître comme «gays» et affirmant être «queers», soit quelqu’un de bizarre, de différent, quelqu’un qui revendique l’importance de la race et de la classe sociale dans les luttes politiques, et pas seulement d’orientation sexuelle» (p.21). D’autre part, il faut noter, pour en revenir à la problématique de l’ouvrage de Saez, que la théorie queer, dès son origine, réalisait une critique approfondie de la théorie psychanalytique ouvertement hétérocentrée, homophobe et machiste. Et c’est là l’enjeu de cette étude : proposer une «introduction historique et épistémologique à la théorie queer» (p.13) et révéler les cartes du débat avec la psychanalyse.

Après avoir proposé un historique du mouvement «homosexuel-gay-queer» et des dénominations de ces identités «proscrites» tout au long du XXe siècle, l’auteur se penche sur l’homophobie de la psychanalyse. En effet, ce n’est qu’en 1973 que l’American Psychiatric Association décidait de sortir d’une vision pathologisante de l’homosexualité, alors que Freud lui-même n’avait jamais envisagé le désir homosexuel comme une forme de maladie. C’est que, comme le note Saez, les institutions psychanalytiques se sont développées dans une dérive moralisante et normalisatrice, «à l’opposé du potentiel critique que renfermaient les travaux freudiens» (p.24), allant jusqu’à bannir les homosexuels de l’analyse. En France, il fallait attendre l’esprit non conformiste de Lacan, exclu en 1963 de l’Association psychanalytique internationale, pour rompre avec les préjugés homophobes de l’institution psychanalytique, même si le philosophe Didier Éribon continue à penser que «la fonction politique de la psychanalyse ne consiste qu’à assurer la pleine réalisation de la norme hétérosexuelle» (p.30), position non partagée par Saez.

Le développement de la théorie queer est inhérent à l’émergence de nouvelles lignes de pensées qui virent le jour, dans les années soixante-dix, sous le nom du «post-structuralisme». Ainsi, les travaux de Foucault (La Volonté de savoir), de Deleuze et Guattari (L’Anti-Œdipe. Capitalisme et schizophrénie) de même que ceux de Derrida (concepts de «déconstruction», de «différance»…) - travaux qui entretenaient une relation complexe avec la psychanalyse - eurent une forte influence dans l’expansion de la théorie queer dans la mesure où ils permirent, entre autres, de remettre en cause les limitations du schéma oedipien et de dénoncer les institutions hétéronormatives. D’autre part, le féminisme lesbien des années soixante-dix, emmené par Monique Wittig, Adrienne Rich et Gayle Rubin, qui visait à supprimer les catégories homme et femme, qui séparait sexe et genre ou dénonçait «l’hétérocentrisme qui avait imprégné la théorie féministe depuis ses origines» (p.81), participe de cette révolution épistémologique qui sera décisive dans l’apparition de la théorie queer.

Javier Saez, lorsqu’il en vient à déterminer les points centraux de la théorie queer (chapitre 7), commence par remettre en question le terme même de «théorie». Premièrement, parce que la théorie queer ne renvoie pas à «un corpus organisé d’énoncés» et qu’en ce sens «elle n’a aucune prétention de scientificité» (p.83). Ensuite, parce que ce terme lui a fait perdre «une grande partie de son potentiel subversif […] le transformant en un savoir de plus en plus intellectualisé et éloigné des cultures populaires - d’où il tire son origine» (p.84). Les points fondamentaux du queer s’articulent autour d’une critique des «dispositifs hétérocentrés et du binôme hétéro/homo» (p.85) qui s’inscrit dans une volonté de résister à toute forme de normalisation, d’homogénéisation, profitant «du potentiel subversif des sexualités marginales pour questionner l’ordre social et politique» (p.89). Cette résistance s’effectue par la création d’un nomadisme identitaire qui refuse l’identité au singulier, afin de dissoudre les dispositifs de normalisation.

Enfin, le dernier chapitre, «Queer et Lacan», vient interroger les rapports de la psychanalyse à la théorie queer sous les angles de la sexualité, du corps, du politique et de la question homosexuelle. Il révèle, qu’à quelques exceptions près, «la communauté analytique n’a pas amorcé de débat sérieux sur ces questions» (p.137) et qu’en ce sens, la théorie queer est le «symptôme» de la psychanalyse.

Cette étude, parfois complexe mais qui vise toujours à la clarté, a le mérite de proposer une véritable synthèse sur les travaux issus de la théorie queer et de révéler l’enjeu du débat qui l’oppose à la psychanalyse. Débat qui, on l’aura compris, reste ouvert, et grâce à cet ouvrage, réactivé.


Arnaud Genon
( Mis en ligne le 25/01/2006 )
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