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Le tourbillon de la vie
Michael  Cunningham   De Chair et de sang
Belfond 2000 /  3.01 € -  19.69 ffr. / 480 pages
ISBN : 2-7144-3722-2
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L'histoire de Constantin Stassos commence en Grèce en 1935, par un rêve de prospérité en terre de misère. Le petit garçon de huit ans qui sait déjà qu'"il faut se tuer au travail pour vivre", espère tirer de beaux légumes d'un carré de terre caillouteuse que son père lui a cédé. Chaque soir, après avoir travaillé dans le jardin familial, il vole un peu de bonne terre qu'il transporte dans sa bouche (gare au châtiment si ses frères découvraient un tel gaspillage !) et file sarcler, arroser, planter. De la terre avare surgiront peut-être un poivron tout vert, une tomate bien rouge. En les offrant aux siens, il obtiendrait (croit-il) l'amour et la considération dont il manque cruellement. En quelques lignes tout est dit. Derrière l'image pathétique du petit garçon qui économise sa ration d'eau et récupère les graines tombées dans la cuisine apparaît déjà l'entrepreneur qui fera fortune en construisant des maisons bas de gamme - murs fins, canalisations en plastique, ciment trop humide.

Se dessine aussi l'homme brisé, méprisé de tous malgré ses réussites, moqué par sa femme et ses enfants. Cette scène liminaire plane de sa beauté tragique sur l'ensemble du roman de Michael Cunningham. Il faut la garder en mémoire pour, peut-être, pardonner au Constantin Stassos autoritaire, raciste, violent, borné qui prendra peu à peu la place du petit garçon avide d'amour.

Le projet de Michael Cunningham, tracer l'aventure d'une famille sur trois générations et près d'un siècle, est ambitieux. D'autres s'y sont essayés. Ils ont pour nom Zola, Thomas Mann ou Roger Martin du Gard. Succession difficile. Heureusement Michael Cunningham n'a pas choisi d'écrire une saga et se démarque ainsi de ses illustres prédécesseurs. Moins de cinq cents pages lui suffisent pour nous conter l'histoire de la famille Stassos des années 50 aux années 90. Il bannit les descriptions, évite la fresque historique, s'interdit toute envolée épique. C'est à petites touches qu'il construit le récit. Taisant l'essentiel des vies de chacun - Constantin le père, Mary la mère, Susan, Billy et Zoe les enfants -, Michael Cunningham égrène des dates, majeures ou anodines, qui tracent par chapitres courts les petits et grands évènements d'une vie.

1964 : les enfants Stassos découvrent leur nouvelle maison. 1971 : Billy a sa première aventure homosexuelle ; Mary et son mari Todd ne parviennent pas à avoir un enfant. 1977 : Mary découvre que c'est avec sa grosse secrétaire que Constantin la trompe. 1987 : Mary déjeune avec Cassandra, le travesti qui élève son petit-fils. Et caetera. Au lecteur d'imaginer ce que chaque personnage a fait, dit ou pensé entre chacune de ses apparitions. C'est en creux que se dessinent les existences.

Car, comme l'indique le titre de son roman, De chair et de sang, l'essentiel pour Michael Cunningham n'est pas de narrer le destin d'une famille. Ce sont les rapports entre les êtres d'une même famille qui l'intéressent. La nuance est de taille. Certes, tous les ingrédients nécessaires à un bon mélodrame sont réunis. Constantin Stassos, immigrant grec, fait fortune et incarne un certain rêve américain. Ses trois enfants - un fils homosexuel, une fille droguée mère célibataire, une autre prisonnière de son rôle d'épouse - mèneront des vies difficiles, marquées par la souffrance et la mort. Mais cette famille n'a pas un destin qui lui soit propre et qui l'unit. Elle n'est pas structurée par un projet commun. Elle est un agrégat d'individualités, proches, mais terriblement dissemblables, et à bien des égards incompatibles. Bref, cette famille est n'importe quelle famille. La famille Stassos n'a rien d'emblématique. A l'inverse des Buddenbrook ou des Thibault, elle ne peint pas à elle seule l'histoire d'un pays ou d'une classe. Le projet de Michael Cunningham est plus intime, plus proche des préoccupations de cette fin de XXe siècle : la quête du bonheur, la conquête de la liberté, l'épanouissement de l'individu.

Mais chez Michael Cunningham, la vie ne fait pas de cadeau. Chaque erreur, chaque faiblesse se paye au prix fort. Seul le temps, atténuant le désir, éteignant les espoirs, apporte un contentement simple dont on apprend à se satisfaire. La vie n'est jamais à la hauteur, mais c'est (peut-être) ce qui en fait le prix. Derrière le portrait morcelé d'une famille déchirée, apparaissent des êtres qui tentent maladroitement de construire leur existence. Qui tiraillés entre leur soif d'être heureux et leur souci de ménager père, mère, frère ou soeur, aiment et haïssent d'un même mouvement, faisant leur la formule d'Oscar Wilde : "Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent".


Karine Motch
( Mis en ligne le 02/05/2000 )
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