Amos 
Oz Seule la mer Gallimard - Du Monde Entier 2002 / 2.58 € - 16,90 ffr. / 206 pages ISBN : 2-07-076197-5
traduit de l'Hébreu par Sylvie Cohen Imprimer
Amos Oz vit à Arad, dans le Néguev, là où le désert exalte la frugalité et la force des âmes pures. Car l'auteur de La Boîte Noire, aujourd'hui mondialement reconnu comme le plus important des écrivains israéliens, est aussi le cofondateur du mouvement "La Paix maintenant", qu'il anime depuis 1977. Et le produit naturel de "l'idéal communautaire juif", le kibboutz, où il vécut pendant plus de trente ans. C'est dire que l'homme n'est pas à un paradoxe près. Seule la mer, œuvre inclassable autant sur la forme que sur le propos, participe à ce dynamitage pacifique des règles, des normes, du prévisible et des préjugés.
Est-ce un roman ? Est-ce un poème ? Glissant du vers (très) libre à la prose, sans jamais la rejoindre tout à fait, Oz créé un rythme neuf, enivrant et délicat. L'histoire est simple, elle pourrait être insignifiante : le comptable de Bat-Yam, Albert Danon, se trouve désormais veuf et malheureux. Son fils est parti au Tibet, abandonnant sa fiancée Dita, amorale, charmante et courtisée par des fâcheux pitoyables... mais néanmoins sympathiques au narrateur. Lequel est également un personnage du roman, avec Monsieur Oz, l'écrivain.
Vivants ou morts, absents ou présents, acteurs réels ou fictifs... Tous prennent la parole à tour de rôle, tentent de dire leurs émotions minuscules, racontent à quel point ils se cherchent les uns les autres, se perdent, se retrouvent... sans jamais oser aller à l'essentiel. Pudiques et sentimentaux, ils convoitent la paix du cœur à quelques pas d'une guerre qui, au fond, ne les touche pas vraiment : Amos Oz l'activiste réclame aussi le droit d'écrire en-deçà du grand drame... même si cette chronique intimiste est de toute évidence, encore une fois, une profonde quête de paix. Etonnant kaléidoscope de petits miracles littéraires, Seule la mer laisse le lecteur ébloui, comme par le soleil trop puissant du désert, comme par l'image entr'aperçue d'un paradis perdu... ou à jamais imaginaire.
Isabelle Nouvel ( Mis en ligne le 14/06/2002 ) Imprimer |