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Le nom du père
Johan-Frederik  Hel Guedj   Le traitement des cendres
Calmann-Lévy 1999 /  2.8 € -  18.32 ffr. / 355 pages
ISBN : 2-7021-3015-1
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Voyage amnésique au coeur de la vie d'un cinéaste à qui l'on a escamoté ses origines, Le traitement des cendres relate la quête du père et la tentative de réappropriation d'un passé oblitéré, comme coupé au montage. Le roman s'ouvre sur une scène originelle. Long plan séquence qui nous conduit sur les rives du Danube et dans la forêt viennoise en cette année 1947 marquée par la guerre froide. Un père, Stan Klappers-Milanescu et son fils prénommé "petit Stan" passent à l'Ouest. Dans la poche du veston du père, une photo dont il connaît chaque détail : deux femmes assises dans des fauteuils de jardin à l'heure des alcools d'été et un homme solide aux cheveux gris. Trois personnages clairement distingables, mais un endroit du cliché est gratté.

Quarante-quatre ans plus tard... Sur le point de connaître la vérité sur son passé, le cinéaste Stan Milan - alias Stan Klappers-Milanescu deuxième du nom - meurt prématurément dans un accident d'avion. Il laisse pour tout testament deux malles remplies des carnets de toute une vie à son ami de longue date, Cyrille Steller, photographe. Légataire de son histoire, Stan lui a fait promettre de poursuivre sa recherche en filiation. Ainsi Steller entreprend-il de démêler l'écheveau de la vie de son ami et marcher dans les propres traces de Stan. Tire-t-il un fil de la pelote et il rend visite à un certain Flores, autrefois connu sous le nom de Karolu Florescu. Un nom livré par "celle-qui-était-la mère" de Stan. Maître faussaire et passeur de frontières, il dit ne rien savoir sur l'identité du père de Stan, mais lâche à son tour un nom : Markus Iversenne, qui a bien des motifs de dissimuler les origines de sa puissance. Ce dernier est un banquier suisse qui fit fortune durant la guerre en fournissant une nouvelle identité à de riches familles juives en échange d'oeuvres d'art soustraites par spoliation. Iversenne a remis à Stan une photo raccornie. Le cliché est quasi-identique à celui que chérissait le père du cinéaste. Au verso, ces mots griffonnés et cette date : "1913 : Madeleine et Clara". Entre les fauteuils, le papier argentique est également gratté, comme si un personnage s'était trouvé là, un personnage de trop.

Retour en 1947, Stan Milanescu père retrouve la demeure de la photo.
C'est celle des Vagus-Kopf, une puissante famille à la tête d'usines de traitement des métaux précieux. D'abord très méfiants à son égard, les deux fils Wagus-Kopf décident de l'embaucher comme homme à tout faire. Il tient compagnie à Madame Vagus-Kopf qui est aveugle et dont le mari, communiste, est passé à l'Est! Alors que Stan archive de vieux dossiers, il tombe sur une chemise vide qui porte la lettre K, ce qui ne manque pas de l'intriguer. Il découvrira plus tard une photo sur laquelle figure les mêmes trois personnages (deux hommes, une femme) mais il y en a un quatrième, debout à l'emplacement où, sur son cliché à lui, il n'y avait rien, une zone vide. Il retourne la photo et lit ces mots tracés à la mine : "Peter, avec Madeleine et Clara". Ayant tôt fait de comparer ce cliché avec la photo qu'il conservait depuis des années, il réalise grâce à sa légende sans ambiguité ("Pour Clara, avec mon amour, Peter Klappers") que les fils Vagus-Kopf étaient en fait ses demi-frères ! On comprend alors que cette famille vit désormais dans la crainte que Stan ne prétende à la part qui lui revient. C'est se méprendre sur ses intentions car il reprendra bientôt la route avec petit Stan. Du moins le croit-il.

1963. Petit Stan a grandi. Obsédé par le passé et inapte à vivre le présent, il connaît la même souffrance que son père car il ignore ses origines. Tout comme son père avant lui, c'est un fils qui part à la recherche du père. Eternel retour tragique du même...

Roman de la filiation où l'on assiste à une mise en abîme de la quête paternelle sur trois générations, Le traitement des cendres est un récit terrifiant, une variation métaphorique tant spaciale que temporelle sur le thème du Mur séparant l'Est et l'Ouest et son corrollaire, l'occulte, ce qui est soustrait au regard : ici la disparition du père et un pan entier de l'histoire de Stan. En effet, on ne peut manquer de remarquer que Stan Milanescu, lui-même transfuge de l'Est, a exercé le métier de surveillant de barrage avec un zèle excessif. Ne serait-ce pas une métaphore évidente symbolisant son inaptitude à remonter le cours d'un passé dont il a été dépossédé, à franchir le barrage pour retrouver le sanctuaire originel, le berceau amniotique ?

Variation énigmatique et heuristique encore, lorsque Stan Milanescu devient Stan Milan le cinéaste. Or, à l'origine de cette vocation cinématographique, ne trouve-t-on pas trois clichés qui, s'ils ne constituent pas la matière d'un film, feront naître le désir de retrouver les bobines manquantes du film de sa vie ? De n'avoir de cesse d'expliquer les faux-raccords donc... Et si le cinéma se définit comme l'art du champs-contrechamps, la quête de Stan peut se lire comme la tentative de retrouver les acteurs du hors-champs. Bref, de retourner la caméra contre ceux qui se sont évertués à empêcher l'orphelin de retrouver sa place, sa famille. Là encore, l'ineffable (le terrible secret qui entoure la disparition du père), cette irrécusable présence d'une absence, s'exprimera en se projetant sur un écran cinématographique, autrement dit sur ce substitut métaphorique du Mur qui permet à la fois de voir et de protèger de ce qui est vu.

Le Traitement des Cendres se lit comme une recherche spéculaire où la figure du fils est condamnée à porter le même fardeau de génération en génération, telles les mues des salamandrines qui se succèdent auprès de Madame Vagus-Kopf pour lui tenir compagnie. Johan-Frédérik Hel Guedj ne laisse de nous bouleverser par la construction elliptique de son récit qui multiplie les retours en arrière et les moments d'anticipation. Son roman, servi par la grâce et la poésie d'une écriture sensorielle et cinétique, s'apparente à un long corridor, nanti de maintes portes et chambres évidemment obscures à ouvrir.


Steven Barris
( Mis en ligne le 10/10/1999 )
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