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Désillusion et nostalgie
Milan  Kundera   L'Ignorance
Gallimard - Blanche 2003 /  2.52 € -  16.50 ffr. / 192 pages
ISBN : 2-07-076903-8
FORMAT : 14x21 cm
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Irena, l’émigrée tchèque, a-t-elle le droit de ne pas courir au chevet de son pays convalescent quand le Mur tombe ? Une adolescente a-t-elle le droit de gâcher son existence parce qu’elle vit un amour malheureux ? Ces deux questions resteraient a priori sans rapport, n’était l’art de Kundera.

Irena et Josef, les deux personnages principaux du récit, ont quitté leur Tchécoslovaquie natale vingt ans plus tôt, au moment où il le fallait. Ils se sont reconstruits une vie, l’une à Paris, l’autre au Danemark. Par hasard, un jour, ils réservent une place dans le même avion qui les ramène à Prague. Irena reconnaît immédiatement le jeune homme qu’elle n’a pas eu le temps d’aimer, un soir, bien des années plus tôt. Josef n’ose pas lui avouer qu’il parle quant à lui à une parfaite inconnue. Josef est veuf, Irena vit avec Gustaf, rencontré longtemps après la mort précoce de son époux, Martin. Bien sûr, dans ce roman, il y a l’exil. Mais l’exil de ces deux-là n’est pas qu’une affaire d’histoire et de géographie. Ce sont d’abord les figures d’un exil intérieur qu’ils nous renvoient : l’absence à soi-même.

L’Ignorance disserte en douceur sur l’identité, le temps, la mémoire, le retour. Les repères qui font une vie émergent forcément de la matière sédimentée du passé. L’agent de cette sédimentation est la mémoire. Or «la mémoire, pour qu’elle puisse bien fonctionner, a besoin d’un entraînement incessant : si les souvenirs ne sont pas évoqués, […] ils s’en vont.» De là, plusieurs attitudes sont possibles. Josef a choisi de vivre le temps présent, pour se protéger du passé : «[…] à l’étranger, Josef est tombé amoureux et l’amour, c’est l’exaltation du temps présent. Son attachement au présent a chassé les souvenirs, l’a protégé contre leurs interventions ; sa mémoire n’est pas devenue moins malveillante mais, négligée, tenue à l’écart, elle a perdu son pouvoir sur lui.» Ainsi quand Josef retrouve son journal d’adolescent, et qu’il ne reconnaît pas le «morveux» qui l’a tenu, que peut-il faire, sinon déchirer ces pages ? Irena, elle, est poursuivie par ses vieux rêves, attachée aux images du passé. Entre ces deux êtres, la rencontre n’est pas équilibrée et son issue, forcément malheureuse.

Quant aux retrouvailles avec le pays natal, elles s’avèrent douloureuses. Josef et Irena n’ont plus en commun avec leurs anciens amis, et même leur famille, qu’un passé antérieur, celui d’avant la vie qu’ils se sont construits ailleurs. Autant dire qu’ils n’ont plus en commun que ce qu’ils ne sont plus. Bilan ? La solitude. Suffit-il pourtant d’avoir un passé, de pouvoir le partager, pour échapper à la solitude ? L’histoire de Milada nous dit que non. Milada, ancienne collègue de Martin, trait d’union improbable entre Josef et Irena. La seule qui comprenne la difficulté du retour d’Irena est aussi celle qui a voulu mourir, adolescente, parce qu’un garçon ne l’aimait pas. Si elle n’est pas morte, elle n’en a pas réchappé indemne, ni physiquement, ni psychologiquement. Le garçon, évidemment, c’était Josef. Evidemment encore, il ne l’a jamais su. Milada a un passé, elle n’est pas partie de son pays. Son exil est ailleurs.

Construit à la manière d’un kaléidoscope, émaillé de longues digressions de l’auteur, L’Ignorance est un roman empreint de désillusion. Kundera y décline les visages de la nostalgie. Son «paradoxe» est qu’«elle est plus puissante dans la première jeunesse quand le volume de la vie passée est tout à fait insignifiant.» C’est pourtant à cet âge-là, celui de «l’ignorance», que l’on fait les premiers choix, souvent irrémédiables. La figure d’Ulysse, le «plus grand nostalgique» de tous les temps, revient en toile de fond tout au long du roman. Et l’écrivain de se demander si, aujourd’hui, son Odyssée serait concevable. Dans un monde qui change si vite, le Grand Retour ne rime plus à rien.

Notre propre passé est notre seule certitude, et encore, une certitude bien personnelle, puisque ceux qui nous entourent n’en ont pas forcément la même lecture que nous. Amer constat de L’Ignorance, un livre doucement triste, roman de tous les apatrides.


Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 28/06/2003 )
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