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L’assassinat du capitaine Patrocle
Pierre  Magnan   Un grison d’Arcadie
Gallimard - Folio 2000 /  0.86 € -  5.65 ffr. / 336 pages
ISBN : 2-07-041424-8
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Dans Manosque endormie, insomniaques, somnambules et vieillards inquiets arpentent les rues. Image frappante de la France au sortir de la guerre. En 1945, nombreux sont ceux dont le coeur est lourd de secrets inavouables. La violence resurgit par salves -on se venge- et pas uniquement pour des raisons politiques…

L’arrière-plan historique du dernier livre de Pierre Magnan, évoqué de manière précise et sensible, semble largement inspiré de faits autobiographiques. Le narrateur, Pierrot, a quinze ans. Pour soutenir sa famille, il fait des petits boulots. Un jour, très tôt le matin, en ramassant des escargots dans les collines avoisinantes, il est témoin de l’assassinat du capitaine Patrocle, héros local de la résistance. Il dérobe sur son corps un message désignant le coupable mais garde le secret enfoui tout au fond de son béret.

Dissimulation de preuve, complicité d’assassinat, ce geste est surtout un acte d’affirmation en ce sens que le jeune garçon trouve ainsi le moyen d’exister, au moins à ses propres yeux. De manière plus ambiguë, l’acte de Pierrot est aussi l’expression de la mauvaise conscience collective vis à vis des héros de la résistance. L’auteur suggère que non contents d’avoir largement collaboré, les Français en voulaient secrètement aux résistants pour leur (trop) bonne conscience au moment de la libération. Toujours est-il que le secret de Pierrot sera gardé bien au chaud jusqu’à ce qu’une veuve finaude et peu farouche se doute de quelque chose. Pour parvenir à ses fins, elle ouvrira au jeune homme les portes de sa bibliothèque et celles du plaisir charnel…

Tout au long de ce roman d’initiation, le héros découvre les liens troublants qui parfois existent entre les mots, la mort, l’amour et le mensonge. D'un côté, les mots tuent et mentent: c’est par une lettre donnant un faux rendez-vous d’amour que le capitaine Patrocle est abattu. D'un autre côté, les mots préludent à l’amour en rapprochant les âmes et les corps. Madame Henri, veuve curieuse et perspicace, détecte chez le jeune Pierrot une sensibilité hors du commun. Goût pour un vocabulaire peu usité, attitudes contemplatives, fascination pour les livres, capacité à rester terrassé par une émotion… autant d’éléments qui contribuent à tisser ce lien incongru entre un petit balayeur de feuilles mortes et une bourgeoise ayant pignon sur rue.

Enfin, à travers la littérature, les mots finissent par sauver le héros en lui ouvrant des perspectives de liberté intérieure et de création. Pierre Magnan consacre de très belles pages à la découverte de Saint-Simon : "ce texte me procurait une sensation de vide à l’estomac et me dépeuplait le monde", mais il se souvient aussi n’avoir pas aimé le Rouge et le Noir à cause d’un Julien Sorel trop prétentieux et d’une Mathilde de la Mole sans chair.

Au-delà d’une intrigue parfois un peu "romanesque", l’intérêt véritable du livre réside dans cette genèse de l’homme et de l’écrivain au travers d’expériences fondatrices. Il assez émouvant de retrouver, au détour d’un chapitre, l’auteur abandonné à sa nostalgie, évoquant tous ces miracles qui font de lui un vieil homme qui se souvient et qui écrit. Un grand feu crépitant autour duquel on fait silence, une main de femme sur sa cheville, le parfum des châtaignes grillées en hiver… Les visions de jeunesse resurgissent avec force dans une langue sobre traversée d’expressions colorées qui souvent font mouche. Ainsi, cette phrase en forme d’aphorisme : "mais la nature matoise pratique la facétie et tout lui fait ventre".

Avec un humour non-complaisant, l'auteur décrit les attitudes de ses contemporains. La satisfaction secrète des hommes à l’enterrement d’un résistant un peu trop brave et joli coeur, l’inutile beauté des femmes esseulées ou mariées à des falots, la générosité d’un libraire lui offrant tout Saint-Simon… Attentif à la comédie sociale, le jeune Pierrot est fasciné par l’aptitude des adultes au mensonge et leur acceptation des situations qui font leur propre malheur. Sensuel, il sait aussi s’enivrer de belles choses : "à la contempler virevolter pour m’apporter tous les trésors de son garde-manger, je perdais peu à peu le goût de pleurer".

Intuitif, voyeur, gourmand, cachottier, blessé par l’hypocrisie sociale et bouleversé par la souffrance individuelle… Pierre Magnan, dans un style souvent proche de Jean Giono, revisite avec émotion les événements qui lui ont fait perdre ses "oreilles d’âne" autrement dit ses premières étreintes avec "l’angoissante beauté du monde".


Claire Debôves
( Mis en ligne le 18/01/2000 )
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