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Un minimaliste ascétique
Hubert  Mingarelli   Quatre soldats
Seuil - Points roman 2004 /  0.84 € -  5.50 ffr. / 202 pages
ISBN : 2-02-063119-9
FORMAT : 11x18 cm

Roman paru une première fois en janvier 2003 (Seuil).

Prix Médicis 2003

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Après La dernière Neige, La Beauté des loutres, et alors que sort Hommes sans mère, Quatre soldats est publié au format poche par les éditions du Seuil. Loin des modes et du vacarme des prix (bien que l'auteur ait reçu dernièrement le prix Médicis), comme retirés dans la sérénité de leur propre silence, ces livres aux titres sobres relèvent tous d’un minimalisme difficile, ascétique.

Hubert Mingarelli emploie les mots les plus simples : ceux qu’on pourrait croire, de par leur modestie, inaptes à exprimer ou à suggérer quoi que ce soit. Mais il sait aussi se tenir à leur écoute, être à la (dé)mesure de leur humilité : en cela il est un maître. Parfois, dans ces romans, on a l’impression qu’il ne se passe rien : c’est le cas notamment de La Beauté des loutres, roman de la raréfaction, des échanges verbaux comme des actions. Dans La dernière Neige ou Quatre soldats non plus, il ne se passe presque rien. Tout est dans ce «presque», car ce qui n’a l’air de rien, c’est précisément ce qui est énorme.

L’inquiétude de Mingarelli concerne l’évocation des rapports humains : entre un père et son fils, un livreur et son aide, des soldats... Hiver 1919. L’armée rouge se heurte d’un côté au front roumain, de l’autre au front polonais. Une poignée de soldats sont unis par un lien indestructible : l’amitié de guerre. Ils sont au nombre de quatre, comme les quatre points cardinaux : l’univers à eux tous seuls, l’infini de l’amitié réinventé, l’espace de quelques semaines, au coeur de la tourmente. Hormis le narrateur, il y a Kyabine, grand benêt attachant, d’une grande force physique mais d’une certaine lenteur d’esprit ; Sifra au «regard doux et prophétique, et presque tout le temps silencieux» ; Pavel enfin, le plus mûr de tous et aussi le plus fort moralement s’il n’était régulièrement la proie de cauchemars nocturnes.

Unis par une amitié en deçà des mots, ils sont des démunis du langage, dont ils savent à peine se servir pour parler, et pas du tout pour écrire. A défaut de mots, c’est par des gestes, des intentions vouées à demeurer tacites mais douées de la présence immatérielle du désir ( «(...) j’aurais aimé trouver quelque chose à dire pour le consoler», dit l’un d’eux), qu’ils attestent la profondeur de leur amitié. Il y a un merveilleux «sentir en commun» chez ces êtres assez vieux pour souffrir moralement et non seulement physiquement de la guerre et cependant trop jeunes encore pour la comprendre. Quatre soldats est une belle méditation sur la communauté, sur le partage insituable entre le fait d’être ensemble et le fait d’être seul, l’un impliquant paradoxalement l’autre. L’amitié maintient la guerre à distance, elle dessine dans l’obscurité un cercle improbable dans lequel la faim, la peur, l’incertitude quant à l’avenir, sans disparaître, s’estompent.

Comme dans les précédents romans, le récit de Quatre soldats compte la présence de talismans. Dans La dernière Neige, c’était un milan en cage, symbole du rêve ou encore de la vraie vie à l’horizon d’un monde de solitude, de silence et de souffrance. Dans La Beauté des loutres, c’est une notion quasi abstraite qui donne précisément son titre au livre. Ici, ils sont au nombre de trois. Il y a les mains de bois que sculpte Yassov et qu’il distribue ensuite aux soldats pour qu’ils se sentent moins dans leur sommeil. Il y a la montre au ressort cassé mais qui abrite la photographie d’une femme, que le narrateur et ses amis embrassent et avec laquelle ils dorment à tour de rôle. Il y a enfin le carnet dans lequel le gosse Evdokim consignera la geste des quatre soldats qui l’ont pris sous leur aile. Plus qu’un objet magique dans les vertus duquel on croirait sans réserve, le talisman est un objet religieux à partir duquel se dit le lien d’un être avec ses rêves, avec les autres et avec lui-même.

L’ultime talisman, dans Quatre soldats, est le carnet, sorte de livre à venir détenu par l’enfant. Ce carnet dans lequel chacun des faits et gestes des amis est consigné est, on le comprend, le double fictif du roman, la même histoire rigoureusement, mais rendue à l’incertitude, au tremblé des vies. Le carnet du gosse Evdokim précise cette fonction de mise en abyme de la fiction qui est celle des talismans : points de contact du réel et de la fiction, emblèmes à travers lequel ces derniers communiquent et s’échangent, tendant à se confondre et pourtant, dans le même instant – c’est la dure leçon du récit, son tragique -, différant essentiellement.

La fiction est à fleur du réel, aussi proche du réel qu’il est possible. On pourrait croire un moment qu’elle et lui ne font qu’un. Belle leçon : ce n’est pas le caractère extraordinaire des choses qui fait le prix d’un récit, c’est bien plutôt le fait d’être assumés par un récit ou par une parole qui rend les faits en apparence les plus ordinaires, soudain dignes d’attention. Mais l’art n’est en définitive qu’une promesse, intenable, de réconciliation : redoublant le réel, la fiction est à la fois la même chose que lui et déjà autre chose, une chose qui, partie du réel, tient lieu à présent du réel, est du rêve, inaccessible.


Thomas Regnier
( Mis en ligne le 07/06/2004 )
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