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| Bande dessinée -> Réaliste |
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Peter
Kuper Le Système
Editions de l'An 2 2004 / 3.66 € - 24 ffr. / 104 pages
ISBN : 2-84856-021-5
FORMAT : 16,7x25,8 cm
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Quelques mois après la parution du remarquable Leviathan de Jens Harder, les Editions de l’An 2 récidivent et publient un nouvel album «muet». Le Système prend place à New York de nos jours, mais cela pourrait être n’importe quelle autre grande cité occidentale dominée par l’argent et gangrenée par la violence. En suivant une petite douzaine de personnages, chacun représentatif d’une classe et d’un certain milieu, Peter Kuper donne corps à cette ville, montre les contradictions, complots et conflits qui y règnent, et pointe les injustices et autres drames du quotidien. Du clochard solitaire au boursicoteur acharné, de la strip-teaseuse au tueur en série, Kuper, dont c’est ici la première traduction en français, présente ainsi différentes tranches de vie, et tisse tout un réseau de trajectoires qui se croisent, et qui parfois interagissent les unes avec les autres. Chacun des protagonistes, qu’il le veuille ou non, a un rôle à jouer dans cette grande cité ; car aucun n’est simplement un pion sur l’échiquier, mais bel et bien un rouage indispensable à ce système.
Sans dialogue ni énoncé verbal, la bande dessinée muette se doit de rivaliser d’ingéniosité pour élaborer une narration cohérente et claire. Sans le secours du texte, l’image devient le seul moteur à la bonne compréhension et au correct déroulement de l’histoire. Le passage d’une vignette à une autre peut se dérouler suivant divers moyens et Kuper accentue la difficulté de l’exercice en faisant reposer son œuvre sur le modèle du jeu « marabout-bout de ficelle ». Le parcours est ainsi fluide, jamais interrompu, et la variété des enchaînements (des raccords, dirait-on au cinéma) est étonnante. Tout concourt à ne jamais laisser de répit au lecteur, emporté dans ce tourbillon de la vie et témoin privilégié d’une société en marche.
Une bande dessinée muette donc, mais pourtant non totalement dépourvue de textes : à travers les publicités, la presse et les écrans d’ordinateurs qui pullulent dans le paysage urbain, c’est en effet tout un ensemble de messages qui rythment chaque action. Les unes de journaux s’étalent partout et donnent l’humeur du moment tout en développant une intrigue en parallèle, les publicités poussent à consommer, et les coupures de presse soigneusement conservées résonnent pour certains comme de douloureux souvenirs. Le seul reproche que l’on pourrait d’ailleurs faire à cette édition française tient à l’intégration maladroite de ces textes traduits. Le graphisme si particulier de Kuper, entre le tag bombé sur un mur et le travail sur bois d’un Frans Masereel, s’accommode en effet mal d’une police de caractères trop nette et souvent mal ajustée.
Le Système est une grande fresque, ambitieuse et intelligente, sur nos cités contemporaines, la minutieuse autopsie d’une ville. Kuper épingle la société capitaliste, ses «héros» et ses laissés-pour-compte. C’est la ronde de l’argent qui passe de main en main et où, en un instant, des sommes colossales sont transférées via un simple portable. Cette violence économique est accompagnée par toutes les autres : raciale, verbale, terroriste, gratuite, guerre des gangs, pression des médias etc. Le panorama est complet et méticuleusement déroulé.
Loin d’être un exercice de style froid et clinique, Le Système, en prenant pour élément moteur l’individu, laisse la part belle à l’émotion et, lorsque les dernières pages arrivent et que les intrigues se dénouent (ou se compliquent !), le lecteur est définitivement captivé. Passionnant d’un bout à l’autre.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 12/05/2004 )
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