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Histoire & sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Le Tsar incertain
Alexandre  Arkhangelski   Alexandre Ier - le Feu follet
Fayard 2000 /  3.73 € -  24.43 ffr. / 591 pages
ISBN : 2-213-60286-7
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À l’heure où la Russie adopte conjointement pour emblèmes nationaux l’aigle à deux têtes, les couleurs des tsars, le drapeau rouge et l’ancien hymne soviétique, il est fort instructif d’accéder aux travaux que l’historiographie russe actuelle consacre au passé pré-révolutionnaire. Jusqu’ici, les Français curieux de la Russie impériale devaient se contenter le plus souvent des biographies de tsars et de tsarines dues à la plume d’Henri Troyat : livres sobres et sans prétentions, à la facture classique, fondés sur des travaux eux-mêmes antérieurs à la Révolution et donc peu représentatifs de la pensée russe contemporaine. La traduction de cet Alexandre Ier, paru à Moscou en 1999, vient donc combler une lacune.

Dans l’incertitude que connaît aujourd’hui la Russie, sa lecture prend d’autant plus d’intérêt qu’après le long et glorieux règne de la grande Catherine, après l’intermède de Paul Ier (1796-1801), les vingt-cinq années où Alexandre Ier occupa le trône (1801-1825) apparaissent comme le temps des occasions manquées, des réformes inachevées.

Né à Saint-Pétersbourg en 1777, Alexandre avait été destiné à l’Empire par sa grand-mère, qui voulait le substituer au grand-duc Paul, tenu pour déséquilibré et incompétent. Le plan de l’aïeule échoua : quand elle mourut, en 1796, ce fut l’héritier naturel qui monta sur le trône. En mars 1801, un groupe d’officiers conjurés, dont Alexandre a été le complice plus ou moins volontaire, assassina l’empereur, et le petit-fils de Catherine coiffa la couronne.

Élevé par le Suisse La Harpe dans les idées des Lumières et dans une atmosphère rousseauiste, Alexandre rêvait de réformer de fond en comble l’État et la société russes, puis de se retirer, en simple particulier, dans une campagne bucolique. Au lieu de cela, c’est la lutte contre Napoléon qui fut la grande affaire du règne et sa grande réussite : de la défaite d’Austerlitz (décembre 1805) à l’apothéose de l’occupation de Paris (1814) et du congrès de Vienne (1815), en passant par la "guerre patriotique" de 1812, Alexandre écrivit une grande page de l’histoire de Russie, mais non celle qu’il avait imaginée.

À l’extérieur, les idées libérales du début se muèrent en un mysticisme qui fut à l’origine de la Sainte Alliance. À l’intérieur, Alexandre réalisa de nombreuses transformations de détail dans les institutions et l’instruction publique, mais ne put ou ne voulut mener à bien aucune des grandes réformes qu’il avait caressées au début de son règne, telles que la libération des paysans ou la promulgation d’une constitution. C’est un souverain épuisé et découragé qui mourut, prématurément, en 1825.

Pourquoi cet échec du réformisme initial ? L’auteur avance plusieurs explications : tout d’abord, marqué par le péché originel de l’assassinat de Paul Ier, Alexandre, régicide et parricide, serait condamné à l’impuissance, tétanisé par l’illégitimité de son accession au trône. Son caractère serait également marqué par une duplicité fondamentale : une aspiration vague et constante à la bienveillance et à la bienfaisance, d’un côté, un attachement viscéral au pouvoir autocratique, de l’autre : l’empereur, constate Spéranski, est "trop faible pour gouverner et trop fort pour être gouverné" (p. 157). Au-delà de ces facteurs psychologiques ou circonstanciels, le tsar serait, à l’image de son peuple, incapable de liberté, condamné par une sorte de fatalité génétique à un permanent retour à l’esclavage. Rhabillées dans une phraséologie fin de siècle, on reconnaît de vieilles théories qui parcourent la littérature russe depuis le XIXè siècle.

Ces conclusions sont d’autant plus sujettes à caution que le héros est visiblement antipathique à son biographe et que la personne d’Alexandre et son époque sont pour lui un prétexte pour s’élever à une réflexion générale sur l’histoire politique et le tempérament politique de la Russie. Tout au long du récit, A. Arkhangelski témoigne d’un goût excessif pour les conceptions grandioses, traversant les barrières de l’espace et du temps, parfois jusqu’au ridicule: ainsi, en 1804, "plus rétrograde et inerte se faisait la matière de l’histoire européenne, plus elle restaurait docilement les contours prérévolutionnaires, et plus l’image quasi lunaire [sic] de l’Amérique scintillait mystérieusement aux tréfonds de l’espace mondial". (p. 133)

Cette propension malheureuse à "philosophiser" vient gâter beaucoup de développements intéressants sur les premières générations de la littérature russe ou sur l’influence intellectuelle des Lumières françaises.

Trop de psychologie tue la psychologie: pour être convaincu, on voudrait plus de faits et moins d’interprétations. Ici, il n’y a de place ni pour le hasard ni pour la liberté de l’individu : tout tient au fatum. Du coup, on ne sait plus trop où l’on est, dans l’histoire, dans la littérature ou dans l’essai. L’érudition historique de l’auteur n’est d’ailleurs pas très sûre; les différentes allusions à l’histoire de France sont notamment remplies d’erreurs ou d’approximations (voir notamment le 18 brumaire, p. 99). On cherche quelques pages de belle et bonne narration, mais en vain; l’année 1812, qu’on attend comme un morceau de bravoure, passe presque inaperçue ! Tout est symbole, intention cachée, tout fait sens, rien n’est jamais gratuit. Ainsi de l’entrevue de Tilsit en 1807 où "le milieu aquatique symbolisait le caractère éphémère et mobile de l’histoire européenne". (p. 143-144).

Dans la rédaction et le style, la rupture est tout aussi complète avec la biographie classique. La trame chronologique est réduite à des notes annalistiques rédigées en italiques, et présentées comme suit :

"Mars.
Le 17.
Dimanche.
Après-midi.
Spéranski est convoqué chez l’empereur par un courrier
".

La rupture de ton est systématiquement recherchée : des épisodes sans lien avec le récit, des extraits de journaux intimes viennent s’intercaler au milieu des chapitres d’analyse psychologique. Dans l’esprit de l’auteur, on le sent bien, toutes ces afféteries sont censées "faire littéraire", "faire avant-garde".

La traduction n’a pas arrangé les choses. On a par exemple négligé de traduire la bibliographie : elle est simplement transcrite du russe suivant un système incompréhensible au profane. Il est à craindre qu’un titre tel que Drevnerusskie pamjatniki n’évoque rien pour un lecteur français… Certains choix de traduction sont également discutables : le rendu de l’adjectif tsarskii par "royal" n’est pas heureux (deux exemples, p. 448); il aurait fallu restituer la particule aux noms français traduits du russe : Mme de Krudener, Mme de Choiseul-Gouffier. En outre, il faut s’élever, une fois de plus, contre l’usage de rejeter les notes en fin d’ouvrage. Admissible quoique incommode lorsqu’elles ne contiennent que des références bibliographiques, ce choix tourne à l’absurde quand, comme c’est le cas ici, de longs développements sont rejetés en note.

Aux colifichets de M. Arkhangelski, à son fatalisme, l’historien préférera, à tout prendre, la vérité supérieure du roman : les scènes inoubliables de Guerre et Paix, la peinture par Tolstoï des grandes heures de 1805 et de 1812, où la Russie regardait son jeune souverain avec des yeux d’adoration, où Alexandre semblait ouvrir la porte à toutes les espérances.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 18/01/2001 )
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