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Histoire & sciences sociales  ->  Histoire Générale  
 

Histoire des confins
Jean-Paul  Roux   L’Asie centrale - Histoire et civilisations
Fayard 1997 /  4.2 € -  27.48 ffr. / 528 pages
ISBN : 2-213-59894-0
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L’Histoire de l’Asie centrale, publiée par Jean-Paul Roux, également auteur d’une Histoire des Turcs chez le même éditeur, s’inscrit dans le regain d’intérêt que suscite, depuis quelques années, cette immense région longtemps oubliée (cf. notamment : O. Roy, La nouvelle Asie centrale, Seuil, 1997 et V. Fourniau, Histoire de l’Asie centrale, PUF, 1994). Le mérite en revient en partie à l’éditeur, dont les grandes synthèses embrassent chaque année un champ plus vaste, apportant un éclairage précieux sur des pays et des aires encore largement ignorées par notre tradition historique hexagonale.


S’il est une de ces zones oubliées, c’est bien l’Asie centrale. Située en périphérie des grandes civilisations, cet espace a longtemps été traité en marge d’une histoire "classique" centrée sur les foyers initiaux de ces cultures (la Perse, la Grèce hellénistique, l’Islam proche-oriental, la Turquie ottomane, mais aussi les mondes indien, chinois et russe). Une analyse plus approfondie invite à une autre lecture, adoptée par Jean-Paul Roux, qui montre précisément le profit qu’ont pu longtemps tirer ces pays de leur situation de "confins" : l’Asie centrale fut l’un des principaux carrefours de cultures et de peuples de la planète, et, à ce titre, l’un des grands espaces de transit, mais aussi de confrontation, entre empires et royaumes. L’Antiquité et le Haut Moyen Age sont, sur ce plan, et d’une façon générale, l’âge d’or du sous-continent, qui connaît alors une prospérité économique et une richesse culturelle qu’on a peine à imaginer aujourd’hui. Les forces profondes qui agissent pendant ces 1500 ans sont bien explicitées par l’auteur.


C’est au cours de la période 550 av. J.C.- 220 av. J.C. que l’Asie centrale entre réellement dans l’histoire. L’intégration politique à l’Iran et au Proche-Orient l’ouvre aux influences venues de l’Ouest, qu’elles soient perses ou hellénistiques. A partir de la fin du IIIe siècle av-JC, la région est "coupée" de l’Ouest par l’installation en Perse, pour quatre siècles, de l’empire Parthe, limité au plateau iranien. Elle devient alors le siège de royaumes d’orientation méridienne (empires Gréco-bactrien et Kouchan), terres d’élection d’une culture gréco-boudhique. L’époque voit aussi le développement des échanges entre Chine, Inde et monde romain. Cette prospérité ne pouvait qu’attirer les convoitises. La Chine, devenue véritablement une "grande puissance" au IIIe siècle av-JC, annexe vers 60 av-JC ces territoires, mais en perd rapidement le contrôle. Cette première avancée marque cependant le point de départ des ambitions de l’Empire du Milieu en Asie centrale. Des peuples nomades, d’autre part, investissent ces terres. Cette irruption est la première manifestation d’un phénomène récurrent dans l’histoire de l’Asie centrale :

- d’une part l’invasion des Nomades et l’utilisation de l’espace centre-asiatique comme plate-forme de nouvelles vagues de conquêtes vers l’Inde et le Proche-Orient;

- d’autre part l’étonnante capacité des civilisations locales à assimiler les envahisseurs, tout au moins leurs élites. La contribution de l’Asie centrale est ici fondamentale : premier espace civilisé rencontré par eux dans leurs chevauchées depuis les steppes mongoles, elle fut à la fois lieux d’acculturation de ces peuples nomades et d’élaboration de synthèses originales.


L’avènement des Sassanides vers 230 ap-JC en Perse arrime à nouveau l’Asie centrale à l’Iran. Les déplacements de populations opérés par la dynastie multiplient les échanges entre cultures, marqués par l’expansion tous azimuts de religions nouvelles : Christianisme nestorien, Mazdéisme, Manichéisme, Bouddhisme.


Entre 430 et 750, ces espaces traversent une ère de soubresauts qui s’achève par la conquête arabe. L’auteur s’étend malheureusement peu sur ce moment pourtant décisif et sur les causes des succès arabes. Le nombre très limité des nouveaux venus, leur capacité à s’intégrer dans les sociétés locales, la séduction opérée par l’Islam, la prospérité, enfin, qu’ils ont rapidement su ramener... Tous ces facteurs observés dans l’ensemble des pays conquis ont dû jouer ici aussi…


La conquête arabe marque en tout cas un tournant majeur à trois niveaux :

- elle fait basculer pour près de 1000 ans l’Asie centrale dans la sphère d’influence de l’Islam, qui évince peu à peu Boudhisme, Christianisme et Mazdéisme, et restera jusqu’à nos jours la religion de tout cet espace. On peut regretter là aussi, dans l’ouvrage de Jean-Paul Roux, le manque de données permettant de suivre les progrès de cette islamisation;

- elle va, plus précisément, déterminer de nouvelles identités culturelles et religieuses en intensifiant les échanges entre Asie centrale, monde perse et monde arabe, le phénomène le plus notable étant le renforcement de l’influence perse dans toutes ces régions;

- elle s’accompagne, enfin, d’un retour à la prospérité (qui perdurera jusqu’au XIIIe siècle) après plusieurs siècles de chaos peu favorables, sur le plan agricole (intensification de l’irrigation), mais plus encore sur le plan commercial (reprise des échanges est-ouest et ouverture de nouvelles voies nord-sud).


La période 1000-1220 est marquée par la domination de dynasties turques, et notamment des Seldjoukides, qui unifient au milieu du XIe siècle, tout l’espace compris entre Anatolie et Sogdiane. Cette hégémonie ne relève pas d’une entreprise rapide et cohérente de conquêtes, comme le furent l’expansion arabe ou mongole : oeuvre de tribus divisées voire rivales, elle est liée à la fois à l’implantation croissante de populations turcophones en Asie centrale, mais aussi, comme dans l’ensemble du monde islamique, au rôle précoce et prééminent des esclaves turcs dans l’armée et le gouvernement des puissances islamiques.


On ne peut donc parler de rupture, encore qu’une distinction doive être faite, là encore, entre Nord (où la turquisation est réelle) et Sud (resté persanophone). Les Turcs sont cependant porteurs, en Asie centrale comme dans tout le Proche et Moyen Orient, d’un esprit nouveau qui rompt avec l’orthodoxie religieuse arabe et promeut un Islam particulièrement tolérant et ouvert. Cet esprit a favorisé l’épanouissement d’une conception juridique du pouvoir, fondée sur la notion d’ordre politique et non sur des concepts théocratiques. Sur le plan artistique, la période a légué une variété impressionnante de monuments nouveaux, qui ont véritablement façonné le paysage architectural de l’espace compris entre Anatolie et Indus. C’est sur le terrain économique que le legs seldjoukide est peut-être le moins positif : malgré la faveur dont jouit toujours le commerce, la pénétration nomade fragilise les bases de la prospérité, annonçant ainsi les difficultés à venir.


La conquête mongole représente la seconde grande césure de l’histoire de l’Asie centrale. Avec elle, l’Asie centrale amorce son long déclin. Pour trois siècles, en effet, ces pays se transforment en champ de bataille : invasions des années 1220 puis 1250, conflits entre princes mongols, campagnes dévastatrices de Tamerlan, guerres intestines entre principautés contribuent à ruiner l’économie. Pourtant, la fin du Moyen Âge n’est pas qu’une période "noire" : la politique de tolérance religieuse prend une nouvelle ampleur sous l’impulsion de souverains favorables au pluralisme confessionnel; les échanges se développent, sous la (brève) paix mongole, du fait de l’intégration de tous ces territoires à de gigantesques ensembles territoriaux. Surtout, les XIVe et XVe siècles représentent un âge d’or pour la culture et les arts : Samarkand, Boukhara, Herat, Chiraz, Tabriz se parent de superbes monuments qui deviendront caractéristiques des espaces persophones (portail monumental, coupole, revêtement de carreaux de faïence bleu azur) et que les dynasties de l’époque moderne ne feront qu’imiter; la miniature prend son essor et produit ses premiers chefs d’oeuvre.


Vers 1520-1530, une nouvelle géopolitique se met en place. A l’ouest, les Séfévides tiennent l’Iran. Tout le nord de l’Asie centrale revient aux Ouzbeks. La puissance ouzbek se scinde rapidement en khanats rivaux épousant chacun les frontières des régions historiques : Sogdiane (Khanat de Boukhara) et Khwarezm (Khanat de Khiva). Une vie culturelle de haut niveau y survit. Au sud, les Moghols, venus de Sogdiane, fondent un nouvel empire indien en 1526, sur les décombres du sultanat de Delhi qui avait, dès la fin du XIIe siècle, porté l’influence des turcophones d’Asie centrale en Inde. Sur le plan économique, si l’on s’accorde avec l’auteur sur les pertes subies sur l’axe est-ouest (le détournement du commerce, du fait des Grandes Découvertes restreint considérablement les flux commerciaux), il faut tempérer sa vision "classique" d’une zone sinistrée : le tassement de ces échanges est partiellement compensé par l’intensification des relations nord-sud entre les populations slaves en pleine expansion de Sibérie et du sud-est russe et la Chine et l’Inde.


Après 1720/1730, le fragile équilibre politique vole en éclat et la région entre dans une ère nouvelle de bouleversements annonciateurs de l’époque contemporaine: les déchirements internes reprennent de plus belle, favorisant, au sud, l’émergence de la puissance afghane, alors que les grandes puissances extérieures commencent à poindre : Royaume-Uni à partir des Indes, Russie depuis les steppes kazakhs, Chine, qui resurgit en Sérinde, rebaptisée "Xinjiang". Mais ce n’est vraiment qu’au milieu du XIXe siècle que la région redevient une zone de contact entre grandes puissances et, ce faisant, un espace géostratégique de premier ordre, mais du même coup, de plus en plus dépendant.


Aux impérialismes européens qui caractérisent la période 1840-1945, succèdent de nouveaux rapports de forces avec la Décolonisation (indépendance du Pakistan en 1947, formation de la Chine populaire en 1949) et la Guerre froide. Quatre puissances nucléaires (URSS, Chine, Inde, Pakistan) s’y rencontrent désormais, les immensités désertiques du nord offrant aux essais stratégiques des terrains d’expérimentations idéaux.


Longtemps gelés par l’équilibre bipolaire, les conflits se sont multipliés depuis 1980 sous l’effet de nouvelles conditions géopolitiques : inflexion dans la politique étrangère soviétique avec l’intervention en Afghanistan, effets indirects de la guerre d’Afghanistan, dissolution de l’Union soviétique, menaces croissantes de conflit nucléaire entre le Pakistan et l’Inde. Le champ centre-asiatique est ainsi devenu le foyer d’un double enjeu :

- enjeu Est-Ouest, avec le conflit afghan (1980-1989) mais aussi, plus récemment, la "guerre" des oléoducs, les Etats-Unis cherchant à détourner de CEI les flux pétroliers en finançant plusieurs projets d’oléoducs;

- enjeu Nord-Sud, ethnico-religieux, conséquence indirecte du conflit afghan des années 1980, qui a vu la prolifération en Afghanistan et au Pakistan d’un islamisme sunnite anti-chiite et son "exportation" vers le Tadjikistan.


D’une richesse fascinante, l’histoire de l’Asie centrale est aussi, on le voit, d’une grande complexité… La géographie tourmentée de ces pays, en particulier, et leur toponymie, qui n’a cessé d’évoluer au gré des invasions, ne facilitent pas l’étude de ces pays… Un ouvrage portant sur un espace aussi mal connu du grand public se devait donc de doter le lecteur du bagage géographique requis. C’est ce que Jean-Paul Roux a su faire dans un chapitre initial, dans lequel il pose les limites spatiales de son étude. L’auteur fournit aussi quelques précieuses cartes, dont on regrettera cependant le nombre insuffisant (absence, notamment, de carte linguistique et ethnique).


Il manque, au delà, à l’ouvrage une authentique approche géo-historique, qui aurait mis en lumière les limites fluctuantes d’une région dont l’identité est plus culturelle et historique que géographique. Une telle approche aurait fait apparaître l’antinomie entre un "centre" tôt entré dans l’histoire et concentrant l’essentiel des hommes et du patrimoine et une périphérie septentrionale (déserts entre Caspienne et mer d’Aral, steppe Kazakh au nord du Syr-Daria, Kirghizistan, Dzoungarie), aux conditions climatiques plus rudes, restée fidèle au nomadisme jusqu’au XXe siècle, et plus tardivement peuplée et islamisée. On regrettera au passage que cette dernière région, certes moins riche quant à son passé, soit quelque peu "oubliée" de l’ouvrage.


Les frontières de l’Asie centrale, telles que J.-P. Roux les définit, sont d’ailleurs contestables : le Gansu chinois, le Tibet et la Mongolie, intégrés dans l’étude à l’espace centre-asiatique, paraissent plutôt appartenir à l’Asie orientale par leur forte imprégnation sino-mongole et leur moindre importance géopolitique. Quant au Khorassan, il semble partie intégrante du monde perse, l’auteur lui-même le révèle au fil d’intéressantes digressions sur une histoire iranienne elle aussi très peu explorée en France. La distinction entre espace iranien et espace centre-asiatique paraît cependant quelque peu artificielle jusqu’à la période moderne, tant les deux aires géographiques sont, on l’a vu, étroitement imbriquées.


Enfin, il faut noter les défauts propres à l’organisation générale de l’ouvrage: insistance parfois excessive sur la dimension événementielle au mépris des évolutions structurelles, notamment socio-économiques et démographiques; analyse beaucoup trop brève et superficielle de toute la période postérieure à l’invasion mongole (une trentaine de pages seulement y sont consacrées, contre 350 pour les siècles antérieurs) et, plus précisément, des XIXe-XXe siècles; présentation parfois confuse, enchevêtrant dates et dynasties et non exempte de va-et-vient chronologiques…


Reste l’essentiel : J.-P. Roux a su réunir en un seul ouvrage une somme d’informations souvent éparses, tout en conservant le souci constant d’actualiser ces données (nombreuses références archéologiques, bibliographie récente et commentée) et de les présenter de façon aisément exploitable (triple index). Mieux : l’auteur sait transmettre sa passion de l’Asie centrale et faire revivre les grands moments dont l’histoire régionale est si riche: la dimension épique des conquêtes successives ressort bien, Jean-Paul Roux révélant à quel point celles-ci furent d’abord et surtout des aventures individuelles… Parcours fascinants que ceux de ces grands stratèges et génies militaire: Darius le Perse, Asoka l’Indien, Alexandre le Grec, Abu Muslim le Khorassanien, Mahmud le Gazhnévide, Gengis Khan le Mongol, Toghroul Beg le Seldjoukide, Tamerlan le Turco-mongol, Ismaïl le Séfévide, Chaïbani l’Ouzbek, Babur le Moghol, Nadir Chah l’Afghan… Tous connurent une ascension fulgurante et partirent à la conquête du monde à coup d’extraordinaires chevauchées… synonymes souvent de terrifiants massacres.


Vincent Vier
( Mis en ligne le 13/08/1997 )
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