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Un Hussard désordonné
Daniel  Lindenberg   Le rappel à l'ordre
Seuil - La République des idées 2002 /  1.6 € -  10.50 ffr. / 94 pages
ISBN : 2020558165
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Ce livre est une charge, brève (94 p.) et menée à la hussarde, contre ceux que l'auteur désigne comme "les nouveaux réactionnaires." La locution lui permet d'englober ceux qui mènent un combat contre la culture de masse, la liberté des moeurs, l'héritage de mai 68, les droits de l'homme ou encore le multiculturalisme.

Ces nouveaux réactionnaires forment une cohorte assez hétéroclite de nostalgiques du marxisme mal guéris de la dictature du prolétariat, de conservateurs au sens classique du terme - marqués à droite - et de gauchistes radicaux opposés au libéralisme, voire d'intellectuels juifs pro-israëliens. Des écrivains comme Maurice G. Dantec ou Michel Houellebecq, sur le portrait desquels s'achève le livre, mais aussi des universitaires. À ce compte, on comprend que l'auteur soit obligé de confesser que "les nouveaux réactionnaires ne forment pas, ou pas encore, un mouvement structuré et conscient, avec ses manifestes, ses tribuns charismatiques, ses écoles et ses querelles d'école" (p. 9). C'est plutôt une atmosphère d'époque que dépeint Daniel Lindenberg, où la défense de l'ordre, le souci de la nation, l'inquiétude devant des sociétés peu versées dans l'enthousiasme de la guerre dominent peut-être plus nettement le paysage des idées que ce n'était le cas vingt ans auparavant.

L'hétérogénéité de ces "nouveaux réactionnaires" se retrouve à leurs racines intellectuelles : un certain Marx (celui qui prépare l'avènement d'un communiste totalitaire), la droite anti-démocratique (Maurras, Barrès, mais aussi un certain Renan, celui de la hiérarchie des races) et parfois la "pensée 68" dont l'auteur nie l'unicité et récuse la critique, mais qui s'est aussi nourrie de dénonciations qu'il considère comme l'aspect le plus critiquable de l'activisme des années 60.

La diversité de ces sources, que Daniel Lindenberg cite en abondance - on aperçoit encore Maistre, Sorel, Schmitt - ne peut d'ailleurs manquer de susciter une interrogation sur la nouveauté prêtée à cette tentative de retour vers un ordre social plus traditionnel. Le texte hésite parfois sur ce point précis ; Daniel Lindenberg discerne des réminiscences, il entrevoit (du reste avec pertinence) des continuités, tout particulièrement la méfiance des intellectuels français à l'égard de la démocratie (p. 69). Pour autant, l'objection n'échappe pas à l'auteur, qui montre que la tendance qu'il décrit se greffe sur des stratégies modernes. Il y affleure parfois le néo-punk, les "rock'n roll attitudes", et surtout des postures de provocation, de "levée des tabous" naguère liées à des attitudes protestataires, mais maintenant alliées à des convictions idéologiques exactement inverses.

Le défi lancé au convictions établies frappe les convictions "progressistes", égalitaires, démocratiques et libérales parce qu'elles sont justement celles qui dominent la démocratie. C'était l'ordre bourgeois qui était visé (à gauche comme à droite), c'est maintenant la démocratie paisible contemporaine. Ainsi un Houellebecq peut se servir de la pornographie pour dénoncer le féminisme, et au-delà, la libération des moeurs. De même, la pensée laïque qui voulait émanciper les esprits des tutelles de la superstition s'en prend, parfois complice d'un catholicisme traditionnel ou d'un judaïsme anti-arabe, à l'Islam des plus pauvres. La volonté d'éduquer le peuple devient scepticisme, chez des auteurs comme Alain Finkielkraut, devant l'enseignement de masse. L'examen de ces différents points ouvre aux meilleures pistes de l'ouvrage.

En dépit de la justesse de nombre d'intuitions, le livre de Daniel Lindenberg demeure une charge plus qu'une réflexion, et l'on n'est pas certain qu'il ait réussi son pari de ne pas "constituer un procès supplémentaire", dans la longue liste des inquisitions dont le milieu intellectuel français (parisien ?) est friand. Une vraie réflexion aurait demandé des nuances qu'on ne trouvera pas sous sa plume. La méthodologie est plutôt flexible : est-il cohérent d'englober dans un même mouvement la France et les Etats-Unis, tout en prétendant que la France a un statut de modèle, dans la même page (82) ? Est-il tout à fait respectable de récuser le sentiment que l'anti-sémitisme s'est accru en France (p. 62) tout en mettant en cause durement le moindre propos pouvant passer - à tort ou à raison - pour islamophobe ? N'est-ce pas pratiquer l'amalgame que de confondre des littérateurs provocateurs et des théoriciens critiques de la démocratie ?

Surtout, la perspective souffre de son indécision : on voit ce que Daniel Lindenberg critique, mais on distingue difficilement le point de vue à partir duquel il mène son combat. Emporté par le mouvement, il en oublie un peu l'intendance de l'argumentation, supposée suivre. En fin de compte, on ne peut se détacher du sentiment que le Hussard, en croisant le fer avec des ennemis qui ne sont pas imaginaires, a aussi blessé bien des amis réels de la démocratie qui n'ont pour seul tort que de ne pas partager ces convictions sur lesquelles Daniel Lindenberg ne s'explique pas.


Thierry Leterre est professeur de science politique à l'Université de Versailles St-Quentin.
( Mis en ligne le 09/12/2002 )
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