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E pluribus plures
Stephen  Jay Gould   Cette vision de la vie - Dernières réflexions sur l'histoire naturelle
Seuil - Science ouverte 2004 /  3.82 € -  25 ffr. / 470 pages
ISBN : 2-02-056282-0
FORMAT : 15x24 cm

L’auteur du compte rendu : Diplômé en sciences politiques de la Woodrow Wilson School de Princeton, Timothy Carlson est rédacteur d'une e-lettre bihebdomadaire en langue anglaise sur la science et la politique de la science en France (www.france-science.org/fast). Il est également directeur d'un programme d'études pour étudiants étrangers. Il mène en parallèle une activité en communication, recherche et rédaction.
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Décédé en 2002 à l'âge de 60 ans, Stephen Jay Gould, paléobiologiste américain spécialiste des escargots dans les archives fossiles, en dehors de 500 articles et plusieurs tomes dans sa spécialité scientifique ainsi que des best-sellers de vulgarisation, a publié un article chaque mois dans le journal Natural History, cela pendant 25 ans. Le présent volume constitue la dernière collection de ses articles non spécialisés. Fidèles à leur auteur, ceux-ci sont le fruit d'un mariage entre une érudition encyclopédique et la passion de conter.

Souvent les recueils de papiers sur divers thèmes, certes sous une même plume, peuvent s'apparenter à des ménages forcés. Ici, l'effet est plutôt celui d'un cabinet de curiosités. Le lecteur est ainsi guidé dans une sorte de parcours enchanteur, parmi une horde de sujets allant des relations entre la science et l'imagination (Nabokov était-il un naturaliste qui écrivait des romans ou un romancier qui publiait aussi sur les lépidoptères ?) ou la science et l'art (le peintre Frédéric Edwin Church et Darwin), jusqu'au conflit entre l'observation et les biais de l'interprétation, Freud et la théorie de l'évolution, ou bien une analyse des récits de création et des théories préadamites..., le tout illustré par des épisodes tirés de l'histoire diplomatique de l'Italie du XVIe siècle, des grands moments du base-ball professionnel aux Etats-Unis, ou du narthex du Saint-Marc à Venise. Amusant? Certes. Fatiguant ? Aussi, surtout parce que Gould le jongleur demande expressément et de façon répétée d'admirer l'adresse avec laquelle il réunit autant de données sans lien apparent entre elles.

Néanmoins, au fil de la lecture et derrière le tour de prestidigitation, se dessinent un leitmotiv et un contexte constamment présents en arrière-plan. Le premier, c'est la théorie de l'évolution telle qu'énoncée par Charles Darwin, ici présenté comme le plus grand scientifique de tous les temps. Gould s'est donné corps et âme à l'évolutionnisme darwinien, pour en élucider des points souvent mal compris, insister sur ses bases factuelles et indiscutables, et éclairer de cette lumière la vie entière et d'autres sujets non moins vastes, jusqu'au base-ball!

Paradoxalement, c'est sur son sujet scientifique de prédilection que Gould est en quelque sorte le moins scientifique ; sa défense de la gloire darwinienne ne le mène ainsi jamais à réfléchir sur les critiques de la célèbre théorie. Les seules objections qu'il évoque sont des cibles plutôt faciles et sans intérêt, venues des créationnistes intégristes. Quid des travaux récents en embryologie, qui posent des questions capitales à une lecture orthodoxe du darwinisme ? Chez Gould, la frontière semble poreuse entre le scientifique et le polémiste. Il la franchit sans vergogne quand il tord le cou aux arguments sur le manque de preuves concernant la sélection naturelle, en parlant de preuves «oculaires». Voilà une objection légère quand on sait que l'on n'a pas, non plus, de preuves «oculaires» sur la relativité ou la physique des particules. De la même manière, il insiste sur la «factualité» de toute la théorie de l'évolution – dans la version qu'il affectionne - sans jamais fournir d'exemples ni de preuves.

Quant à l'arrière-plan de ce volume, on y discerne la guerre de religion que les évolutionnistes et les créationnistes se livrent aux Etats-unis depuis cent ans, une guerre qui continue de marquer les esprits et modeler le paysage du «KulturKampf» américain. Gould a fameusement mené tout au long de sa carrière une bataille de front contre les efforts de ceux qui voient dans les théories évolutionnistes une attaque des athées contre la religion. Mais une guerre peut en cacher une autre, et Gould fut au centre voire à l'origine d'une série de conflits qui l'opposaient à de nombreux paléontologues, généticiens, biologistes et théoriciens de l'évolution, qui n'acceptaient pas ses arguments en faveur d'une version de l'histoire de la vie excluant toute téléologie.

Pour Gould – et ceci est peut-être le grande thème de tous ses travaux –, il n'y a rien de déterminé ni d'inévitable dans le développement d'une espèce à grand cerveau capable d'élaborer une théorie de l'évolution et d'être auto-consciente. Tout au contraire, l'arrivée de l'homme sur la scène naturelle, relèverait de la plus grande improbabilité. Pour Gould, si l’on repasse le film du big bang, dès que les conditions se réuniront, apparaîtront de nouveau et sans faille les bactéries (notons en passant que pour beaucoup, y compris des scientifiques, la vie n'est pas si simple que cela). Mais il y aura toutes les chances que les variations - et non pas les «transformations», expression trop linéaire pour Gould - qui constituent le moteur de l'évolution biologique ne donneront pas un homo sapiens ni même un mammifère quelconque. Dans les nombreuses pages de cette collection, où Gould se consacre à expliquer et défendre ce point de vue, le lecteur pourra donc trouver très rafraîchissante une biologie dont le côté déterministe est amoindri, ainsi qu'une génétique qui ne se réduit pas à un jeu de meccano (un gène correspond à une fonction), sans parler de l'opposition à la théorie d'une évolution strictement pilotée par et pour les génomes des espèces (les «gènes égoïstes»). On peut en effet en être reconnaissant à l’auteur.

Mais en fin de compte, Gould est handicapé par le fait que l'évolution l’ait doté d'une vraie sensibilité morale, voire spirituelle! A son honneur – et cela s'aperçoit maintes fois dans ses essais –, humaniste convaincu et progressiste engagé, élevé dans le respect du marxisme, Gould veut une espèce humaine digne, éthiquement sensible, capable parfois d'une certaine distinction, voire de gloire. En outre, il ne cherche pas à détruire la religion ; la compatibilité de la religion et de la science est l’un des fils conducteurs de ce livre comme d’autres. Mais, cette vision, aussi noble soit-elle, ne constitue-t-elle pas un obstacle chez quelqu'un qui croit dur comme fer que l'homme n'est rien d’autre qu’un résultat purement aléatoire et que la vie biologique n’obéit à aucune téléologie? A l'inverse, ce credo scientifique n’entrave-t-il pas l’humanisme gouldien ? Peu importe en fait, car ces essais ne manqueront pas d'informer, d'amuser, parfois de frustrer mais surtout de stimuler tout lecteur avide de débats sur la science, la culture, la société, et la vie en général.

Quant à la traduction, traître par nature, ici trop appliquée, elle travestit la prose fort agréable de Gould, partie intégrante de ses tours de passe-passe intellectuels, en biaisant les jeux de mots dans des phrases françaises trop fidèlement construites sur l’original américain.


Timothy Carlson
( Mis en ligne le 31/08/2004 )
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