Littérature
Romans & Nouvelles de Gérard Manset
Gallimard - Blanche 2008 / 16.50 €- 108.08 ffr. / 194 pages
ISBN : 978-2-07-012342-1
FORMAT : 14cm x 20,5cm
Onirique (trop ?)
Bien qu'il ait toujours fui les médias, le chanteur hors-normes Gérard Manset mène discrètement mais sûrement depuis quarante ans une carrière d'auteur-compositeur-interprète, suivi par un public fidèle. On connaît moins les autres facettes du personnage : grand voyageur, parcourant sans relâche tous les continents, il s'est fait photographe, peintre et romancier pour tenter de saisir, sur le vif, un monde, d'après lui inexorablement en voie de destruction. Il n'est ainsi guère étonnant qu'il ait été séduit par la figure de Ferdinand Cheval, dont le «palais idéal», qu'il mit trente-trois ans à bâtir de ses mains à Hauterives, dans la Drôme, est devenu le symbole de l'architecture «naïve». Aussi en 2007 Manset participa-t-il à l'exposition que le Musée de la Poste consacrait au Facteur Cheval, en légendant ses photos, qui lui ont inspiré ce texte difficile à identifier.
Du roman, il en garde la structure, l'intrigue – si l'on peut parler d'intrigue - se construisant autour de quatre parties qui nous mènent de la révélation de l'existence du Facteur Cheval au narrateur, au cours d'un voyage en Bolivie, jusqu'à sa rencontre en Inde avec ce dernier sous la forme d'un gourou portant Ray-Ban et mini-slip léopard (!). Entre temps, le narrateur nous aura fait découvrir le «Palais idéal» à Hauterives, en tentant de nous faire partager sa fascination pour son créateur.
L'auteur nous balade sans transitions d'Amérique du Sud en Inde, en passant par la Chine, Paris et le sud de la France, dans une atemporalité déroutante, glissant d'un sujet à l'autre au gré de son inspiration, un nom, un lieu, en état en évoquant un autre, comme s'il avait voulu construire avec des mots ce que Cheval érigea avec de la glaise : un monument de bric et de broc, convoquant des univers et des époques reliés les uns aux autres par associations d'idées et de sensations. Manset, que les déformations phonétiques semble amuser, revisite à sa manière ses classiques : on y rencontre, entre autres, le héros de Cervantès, rebaptisé Don Quichotte de la «Tanche», Rouletabille, échappé du Parfum de la dame en «jaune», ou encore Céline qui devient l'auteur de «Sarabandes» pour un massacre...
Sans doute ses fans, ou tous ceux qui sont réceptifs à son univers poétique se laisseront-ils égarer avec délice dans cette odyssée onirique. Les autres en revanche trouveront la lecture ardue, tant les élucubrations de l'auteur sont difficiles à suivre pour qui peine à emprunter les chemins tortueux de son esprit. Si l'on ajoute à cela la lourdeur du texte, entrecoupé d'interrogations répétitives, ponctué de points de suspension récurrents, charriant une pléthore de néologismes douteux et abusant de façon indigeste de l'emploi de l'imparfait du subjonctif, on peut craindre que le livre ne tombe des mains de la plupart des lecteurs, bien avant que le narrateur ne soit parvenu au terme de sa quête.
Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 05/01/2009 )
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