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Littératureet Romans & Nouvelles  

Une femme d'Etat
de Michel Desgranges
Les Belles Lettres 2011 /  19 €- 124.45  ffr. / 397 pages
ISBN : 978-2-251-44404-8
FORMAT : 14,9cm x 21cm

Moeurs étranges

Michel Desgranges a été romancier et éditeur. Désormais, il lit, collectionne les films et observe les mœurs contemporaines, dont Une femme d’Etat présente un premier tableau.

Ce livre est un tourbillon. On est entraîné sans pouvoir reprendre son souffle dans les aventures extravagantes et cyniques de cette femme d’Etat, Valérie, qui, partant du titre peu glorieux de «Secrétaire d'Etat aux Technologies Nomades», gravit peu à peu et presque malgré elle les différents échelons du monde du pouvoir politique, dans un État imaginaire qui, par des allusions plus ou moins directes et plus ou moins subtiles, nous fait irrésistiblement penser à un grand pays occidental qui pourrait être le nôtre.

Aucun frein au délire «politico-cynico-pervers» de l’auteur ; dans le monde du pouvoir qu’il nous décrit, on nomme des ministres parce qu’on a couché avec eux, on pond une loi par jour (en général au moyen d’un échange de «SMS» sur les «I-Pod» dont raffolent tous les personnages) pour protéger sa maîtresse ou son amant, et on méprise particulièrement tous ceux qui ne naviguent pas dans les mêmes eaux troubles que tous ces «puissants».

A la fin du livre, au style particulièrement virevoltant, qui ne manque pas d’un certain lyrisme par moment, on se prend à se demander quel message l’écrivain a voulu délivrer. Car, en s’éloignant de tout réalisme qui aurait permis de s’identifier, ou plutôt d’identifier des personnages ou des fonctionnements pouvant nous rappeler ce que nous vivons dans notre pays, ne s’est-il pas donné le bâton pour se faire battre ? En étant si «jusqu’au-boutiste» dans la caricature, le roman perd sans doute un peu de la force de la dénonciation des excès rencontrés tout au long de ces 397 – quelquefois longues - pages. Il reste à la fin l’impression d’avoir été bousculé sans avoir pu reprendre pied, mais a-t-on réellement appris quelque chose sur ce qui pourrait changer dans le fonctionnement de nos institutions, tout en haut de cette échelle qui nous paraît, à la fermeture du livre, toujours aussi lointaine et inaccessible ?...

«De retour chez elle, Valérie se rendit dans sa cuisine-salle-à-manger-living, elle habitait, derrière une grande gare, un immeuble à la façade lépreuse, mais intérieurement relooké, du quartier tamoul, avait acheté au bazar-épicerie tamoul voisin un régime de bananes vertes du Tamil Nadu, elle en aurait pour des mois mais c’était plus avantageux, elle était un peu étourdie, son cerveau fatiguait à essayer d’intégrer toutes les phrases qu’elle avait entendues à la Réunion monétaire, ralentissait aussi son rythme cérébral sa fierté d’avoir partagé les secrets de l’État, …» Ailleurs : «… son regard s’attarda sur les bananes, elle avait lu dans les conseils-santé de Marie-Claire : «Stress : relaxez-vous en vous masturbant», elle n’aurait pas le courage d’ôter son string Petit Bateau made in Cambodia, ni même de l’écarter juste ce qu’il fallait, elle s’assoupit»

Michel Pierre
( Mis en ligne le 01/04/2011 )
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