L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

La Danse de Pluton
de Frédéric Saenen
Éditions Weyrich - Plumes du Coq 2011 /  13 €- 85.15  ffr. / 116 pages
ISBN : 978-2874891182

Frédéric Saenen collabore à Parutions.com

Trou noir

Écrire un roman est un rêve, un besoin, une évidence, mais également un défi un peu fou pour un auteur. Le publier relève souvent du parcours du combattant. Parvenir à le faire émerger dans une rentrée littéraire où les livres s’entassent, se bousculent et se font de l’ombre, s’apparente à une réelle gageure… surtout quand on provient de la Périphérie (la Belgique en l’occurrence). Frédéric Saenen a remporté ce pari. Magistralement.

Frédéric Saenen s’avère un homme définitivement rétif aux étiquettes. Inutile de s’ingénier à le cataloguer. Poète ? Lecteur public ? Revuiste ? Critique ? Nouvelliste ? Essayiste ? Romancier ? Oui. Cependant, il n’échappe pas à la loi qui veut que le tout transcende la somme des parties. Les Lettres sont en effet chez lui bien davantage qu’une «passion» ; elles lui sont nécessaires. Et ce lien intime, qui donne une cohérence à toute sa production, se cristallise autour d’un noyau dur : l’authenticité et l’intransigeance. Dès lors, ce qui pourrait passer pour un côté «touche-à-tout» prend une dimension autre, celle de la recherche, du creusement, de la sonde.

Rien de complaisant, de policé, de convenu dans ses textes donc, et La Danse de Pluton ne déroge pas à la règle. Ce bref récit s’enracine autant dans les couches les plus populaires qu’il n’obéit aux impératifs les plus cosmiques. Il y a le Chemin de Fexhe où les mouches bourdonnent, les fillettes font signe, les véhicules déboulent et le temps se fige ; et puis Pluton où les cailloux gravitent, les âmes sont en orbite, les ballerines virevoltent et le temps s’abolit. Entre les deux – à des années-lumière ou un jet de pierre –, des vies, des destins, le hasard. Le Hasard. «Le hasard. Il n’y a que ça, au fond, le hasard. Lui qui nous fait vivre, mourir, aller, venir, naître, disparaître. On pourra me servir tous les baratins scientifiques qu’on veut, ou le blablabla de n’importe quel Témoin de Jéhovah, c’est lui, le maître : le hasard. Quand j’ai eu compris ça, je me suis dit que pour devenir quelqu’un, il fallait devenir le hasard de quelqu’un d’autre, bon ou mauvais».

Ce premier roman, d’une simplicité apparente, évite toutefois les écueils sur lesquels il aurait pu facilement s’échouer. De la densité d’un trou noir, il nous entraîne, par un dégradé de gris, dans l’intériorité d’êtres en tension, se débattant avec leurs fêlures et leurs fantômes, attirés par la lumière tantôt crue tantôt vacillante d’un certain espoir. Plus qu’un «suspense», Frédéric Saenen a composé, à l’encre d’un réalisme âpre, une partition d’une subtilité inattendue : celle du désarroi. Et c’est ce sentiment qui persiste chez le lecteur une fois La Danse de Pluton achevée.

Samia Hammami
( Mis en ligne le 16/09/2011 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)