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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Décadence et autres délices
de Véronique Beucler
Editions-dialogues.fr 2011 /  22 €- 144.1  ffr. / 232 pages
ISBN : 978-2-918135-36-4
FORMAT : 13,6cm x 20,9cm

Anamorphoses porcines

C’est une peste littéraire que Dialogues.fr édite avec cette Décadence et autres délices. Véronique Beucler a eu l’idée de son roman, entre autres, en écoutant les messages publicitaires incitant à se faire vacciner contre la grippe H1N1, dite «grippe porcine». L’auteure avoue un faible pour les épidémies - exclusivement -… littéraires. Celles d’insomnie de Cent ans de solitude, de cécité dans L’Aveuglement de Saramago ou encore de rhinocérite dans le chef d’œuvre de Ionesco…

Le vecteur de sa peste littéraire est le porc. Dans l’Odyssée, le porc est un symbole fort de la colère de Poséidon : Circé transforme les compagnons d’Ulysse en pourceaux. Le choix du porc permet de véhiculer des peurs de décadence, d’impudeur et de luxure. Le porc, au centre de la contagion, confronte le lecteur à des sensations fortes de saleté, souillure et lubricité. Dans l’ouvrage de Véronique Beucler, tout semble d’abord contenu par le silence de l’État. Puis le traumatisme, d’un nez transformé en groin ou d’un pied réduit à une masse informe, effraie… au début surtout. Tandis que les premiers symptômes se propagent, que ces mutations inavouables sont la honte des patients et révèlent le côté hors-norme de l’épidémie, d’autres histoires parallèles viennent se greffer, notamment celle d’un combat Hommes immigrés-chiens. Puis l’épidémie enfle, les villes se peuplent d’hommes grassouillets et bécoteurs, de femmes affriolantes, d’odeurs fortes, d’eau stagnante, etc. L’exception devient la règle et finit par établir de nouvelles normes de vie au sein-même du pays ; tout autour les commerces, les infrastructures, le milieu social érigent cette décadence en nouvel art de vivre.

Véronique Beucler souhaite interroger le monde avec ses outils d’écrivain, ses images, ses allégories, le recours à l’énormité et la métamorphose. A l’inverse de Circé, qui n’avait transformé que l’aspect extérieur des hommes, qui continuaient donc à penser, dans La Décadence et autres délices, si les hommes conservent une apparence plutôt humaine, leur être profond est irrémédiablement dégradé. L’imagination fantaisiste de l’auteur l’a voulu ainsi.

Il est vrai que Grillos fut le seul compagnon d’Ulysse à préférer sa condition animale.

Marie-Claude Bernard
( Mis en ligne le 04/11/2011 )
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