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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Impurs
de Caroline Boidé
Serge Safran Editeur 2012 /  15 €- 98.25  ffr. / 158 pages
ISBN : 979-1-09-017502-0
FORMAT : 12cm x 18,1cm

Un chant d’amour et de paix que muezzin et chofar auraient pu faire retentir ensemble

Comment écrire Alger des années cinquante au présent quand on a trente ans aujourd’hui ?

Telle est la prouesse que réussit Caroline Boidé dans son deuxième roman, en faisant revivre sous la forme d’un poème lyrique, une version algéroise du drame shakespearien : David est juif, Malek musulmane. Amants libres et impudiques, tous deux épris d’une passion absolue, démesurée, bravant appartenances religieuses et pesanteurs sociales, ils sont condamnés à s’unir dans la clandestinité, à la vie à la mort, au risque de la trahison et du châtiment divin.

En toile de fond de cette tragédie amoureuse se dessine, discrète, la fracture intercommunautaire creusée sous le joug pernicieux de la loi française. À travers de brèves prises de notes qu’on imagine volontiers écrites sur du papier d’écolier, quelques faits divers encore épars entremêlés à la concrétude des choses et des gens annoncent les meurtres et les insurrections en cette veille de guerre. Ici une provenance, Batna, au cœur des Aurès, là un nom de rue, Sétif, rappellent le contexte.

Mais l’heure n’est pas aux analyses historiques, ni aux règlements de comptes. Il s’agit plutôt pour la jeune auteure de se réapproprier son histoire sépharade personnelle en pays algérois par le biais d’une reconstruction symbolique, sans doute telle qu’elle a été vécue et racontée autour d’elle, avec des maladresses touchantes et en tout cas une grande sincérité.

L’originalité du propos repose sur son rythme où la forme épouse la trame du récit. Les Impurs s’élève comme le chant d’amour et de paix que muezzin et chofar auraient pu faire retentir ensemble. Tantôt nostalgique et suave, celui-ci évoque le Chaâbi des temps heureux de la Casbah, lorsque sans distinction des origines, arabes et sépharades unissaient les sonorités andalouses et les rythmes berbères en partageant friandises et repas de fête. Tantôt en écho des évènements externes se produisent des dissonances et des discontinuités, de plus en plus rocailleuses à mesure que montent la fureur ambiante et la prise de conscience de ses racines.

Une écriture originale, triviale et poétique, exaltée et meurtrie, comme le souffle qui la dicte, puisé des répétitions de l’Exode. Nous avons aimé.

Monika Boekholt
( Mis en ligne le 16/01/2012 )
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