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Littératureet Romans & Nouvelles  

Femme interdite
de Ali Al-Muqri
Liana Levi 2015 /  18 €- 117.9  ffr. / 200 pages
ISBN : 978-2-86746-756-1
FORMAT : 14,7 cm × 21,0 cm

Khaled Osman et Ola Mehanna (Traduction)

Femme-défendue / Femme défendue…

Un texte étonnant venu du Yemen. Romancier engagé dans la défense des minorités sociales et religieuses, auteur d’un essai sur l’alcool et l’Islam, collaborateur de journaux dont Libération, Ali Al-Muqri (né en 1966) qui vit à Sanaa, raconte dans ce récit écrit à la première personne le parcours d’une jeune femme élevée dans un milieu traditionaliste.

La narratrice, jeune fille naïve, vit avec sa soeur Loula qui, elle, est émancipée, et leur frère avec leur parents. Le père applique à la lettre les préceptes de la tradition, et la vie des femmes de la maison est ponctuée par les interdits : interdit pour la mère de sortir de la maison et même d’interpeller ses voisines par la fenêtre car la voix de la femme ne doit pas être entendue hors de l’intérieur familial, interdit pour les filles de s’ouvrir à la modernité sous quelque forme que ce soit, pas de télévision dans la maison, etc. Le frère, Abd-el-Raqib, a davantage de liberté, mais au début du récit il s’enthousiasme pour le marxisme et la révolution et se déclare résolument athée. La fille aînée, Loula, s’évade d’une autre façon en pratiquant des moeurs fort libres à l’extérieur, dans le cadre de son travail et de ses relations avec le patron. Elle achète sa liberté en fournissant de l’argent au père, qui ferme les yeux sur les réalités gênantes. C’est Loula qui initie la narratrice, lui fait regarder en cachette des cassettes «culturelles» et déclenche chez elle une envie irrésistible de connaître un jour les plaisirs de la chair…

Mais, dans cette société, nulle place pour la liberté ou le respect des désirs d’émancipation féminine : lorsque le frère se convertit à un islam rigoriste, la narratrice doit suivre, changer de lycée, accepter l’éducation strictement coranique et ses conséquences ; si plus tard le frère change à nouveau d’idéal, ses sœurs ne seront pas émancipées pour autant. Eternelle soumission de la femme. Au fil des pages, la narratrice vit le djihad, des relations toujours décevantes : «j’avance… Je continue d’avancer… J’avance sans m'emmener avec moi… Je m’abandonne… J’étais une femme-défendue et je ne suis plus que défendue...»

Un roman bref, pessimiste, dans lequel «tuer le père» n’est même pas une issue, qui se lit comme un documentaire sans complaisance sur la vie intime et cachée des femmes yéménites et en particulier le sujet rarement abordé de leur sexualité.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 13/04/2015 )
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