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Littératureet Romans & Nouvelles  

Sécessions
de Olivier Sebban
Rivages 2016 /  20 €- 131  ffr. / 350 pages
ISBN : 978-2-7436-3664-7
FORMAT : 14,1 cm × 20,5 cm

Lévirat

Savannah, la Géorgie, le sud des Etats-Unis... La ville nous est familière, on pense au roman de John Berendt, Minuit dans le jardin du bien et du mal. Sécessions nous fait découvrir un autre aspect de cette ville, à travers un drame historique débutant en 1840.

Pour les membres de la famille Delmar, descendants des Juifs ayant fui les persécutions espagnoles et portugaises au Brésil, le destin est brisé et chacun se retrouve face à ses responsabilités. Elijah fuit le long du fleuve et des marais, blessé après avoir tué son frère David. Il a succombé aux charmes de sa belle-sœur Ethel et lui a fait un fils, Isaac, officiellement fils de David, lui-même préféré, médecin comme leur père, par le patriarche Amos. Les relations familiales sont complexes ; la rivalité et la jalousie entre les deux frères, attisées par le père, sont à l’origine du drame et de ce lévirat : «Il pensa qu’il n’avait aimé Ethel que brièvement mais qu’il aurait aimé Isaac et qu’il lui aurait été impossible d’entendre Isaac appeler David son père. (…) Il avait dit à son frère : Isaac n’est pas ton fils. Ils s’étaient battus» (p.55).

Le titre fait écho à la guerre de Sécession qui opposa dans les années 1860 les Yankees du Nord industriel aux Confédérés du sud esclavagiste. Elijah fait aussi sécession avec sa famille et part loin de ses racines et des siens, poursuivant sa cavale. Sous un nom d’emprunt, il commence une nouvelle vie, d’abord à New-York, destination nourries tous espoirs, puis à Chicago, ville neuve, en construction. Bien des années plus tard, Isaac s’engage dans l’armée sudiste pendant la guerre civile. Leurs chemins vont-ils se croiser ?

Olivier Sebban écrit un drame historique sur fond d’histoire américaine, la cruauté, la laideur et la beauté, le mélange des races et des cultures sur fond de guerre civile. Nous participons aux batailles les plus terribles, Gettysburg notamment, scènes réalistes et horribles d’une confrontation sans merci.

Les personnages sont dévorés par la culpabilité et le remords : le patriarche reconnaît sa faute et ne sait s’il doit pardonner à Elijah ou réclamer un châtiment ; l’assassin pense toujours à son frère et regrette son acte. Les sentiments sont exacerbés chez le père et le fils. Rapidement, le récit alterne entre la vie d’Elijah au Nord dans les années 1840 et le destin de son fils au front beaucoup plus tard.

Reposant sur des descriptions très étayées, précises et imagées, le récit nous entraîne dans cette époque lointaine, ressuscitée par la fiction. C’est un roman exigeant, à l'atmosphère lourde mais fascinante, sur la construction douloureuse d’une nation au travers d’une fresque familiale ; un drame digne d’une tragédie antique. «La volonté de son père n’était rien d’autre que l’amour d’un père pour son fils, ce fils fût-il moins aimé que son cadet, et il était confortable d’imaginer qu’en le maudissant, Dieu l’avait marqué au front et préservé de la mort, et jeté sur les routes» (p.133).

Eliane Malapert
( Mis en ligne le 15/06/2016 )
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