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Littératureet Romans & Nouvelles  

Alto braco
de Vanessa Bamberger
Liana Levi - Piccolo 2020 /  10 €- 65.5  ffr. / 251 pages
ISBN : 979-10-349-0246-0
FORMAT : 12,0 cm × 18,0 cm

Première publication en janvier 2019 (Liana Levi)

Secrets de famille

Mises en bouche, hors d’œuvre, viandes, entremets : telles sont les grandes parties de ce délicieux roman, sûrement en grande partie autobiographique tant il est émouvant et intimiste. Brune, la narratrice, est une jeune quadragénaire directrice de crèche, célibataire et sans enfant. Elle a grandi au-dessus du Catulle, le café-restaurant de sa grand-mère Douce et de sa grand-tante Annie - dite Granita -, arrivées à Paris depuis l’Aubrac à la fin de l’été 1960. Elles ont commencé alors à travailler dans un bistrot d’Asnières, ne ménageant pas leur peine, sans contrat ni congé.

Après vingt années passées à trimer pour les autres, elles ont pu acheter le Catulle, en habitant au-dessus du bistrot toutes les trois, rue Catulle-Mendès dans le XVIIe arrondissement de Paris, car l’essentiel était d’être à Paris et non plus en banlieue. La mère de Brune, Rose, est morte une semaine après sa naissance et les deux-grands-mères l’ont recueillie et élevée. A l’époque, les sœurs Rigal, deux sacrées bonnes femmes, servaient jusqu’à deux-cents repas par jour. Comme chez tous les limonadiers aveyronnais de Paris, les mots «vacances» et «loisirs» étaient bannis ; en été, elles envoyaient Brune dans leur Aubrac natal chez Madeleine, la cousine.

Jusque dans les années 80, les bistrotiers aveyronnais et cantalous possédaient les trois quarts des cafés-tabac d’Ile de France ; ce chiffre a fortement diminué mais il reste quelque six-mille bars appartenant aux descendants des bougnats montés à la capitale pour fuir une terre à la fois chérie et détestée. Brune n’est pas retournée dans l’Aveyron depuis une vingtaine d’années. Juste avant de mourir, Douce lui a demandé d’être inhumée sur le plateau, au pays des forêts d’épicéa et des lacs argentés, dans son village natal de Lacalm, entre Laguiole et Nasbinals ; «au pays des steppes brûlées et des vaches caramel, dans l’infini brumeux balayé par l’écir, ce vent de tempête qui souffle comme un mauvais sort».

Accompagnée de Granita, en ramenant le cercueil au pays, Brune découvre un monde à part où se mêlent tradition et modernité. Elle ne reconnaît pas la foule de parents venus dire un dernier adieu à Douce. «J’ai observé le panorama se métamorphoser à toute vitesse, une ligne de lumière dorée se former à l’horizon le long des collines, s’élargir puis disparaître, avalée par la terre, les nuages filants se colorer de violet». Peu à peu, dans les discussions en famille, les secrets des Rigal surgissent des tourbières, les hautes boues de l’Aubrac, l’Alto Braco en occitan.

Brune, en apprenant l’histoire biscornue de la famille et de sa filiation, ressent un sentiment d’appartenance à cette terre qu’elle a si bien connue, enfant, un lien de transmission avec ses deux grands-mères qui, tout en méprisant les «ploucs» aveyronnais, étaient si fières de leur appartenance à la grande famille de l’Aubrac envoûtant.

Un roman initiatique à lire absolument, que l'on ait ou pas des racines aveyronnaises.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 22/05/2020 )
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