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Littératureet Romans & Nouvelles  

XCA le Camp
de Jean-Luc Payen
Joëlle Losfeld - Domaine français 2000 /  13.59 €- 89.01  ffr. / 130 pages
ISBN : 2-84412-057-1

Effroi et tendresse

Le sous-titre de XCA le Camp aurait pu être "Enfer et poésie" ou encore "Anges et démons".

Jean-Luc Payen : un écrivain. Un de ceux dont chacun des livres, aussi varié soit-il par la forme, recèle les mêmes obsessions. Il s’agit ici de l’enfermement et de la difficile découverte du moyen de s’évader par l’esprit, le coeur, la pensée.

XCA le Camp est son quatrième livre. Le plus abouti et le plus bouleversant. Dans Un moment d’absence, le narrateur, entré dans la nuit, est sauvé par sa compassion et sa tendresse. Avec Le Hamac rouge, c’est l’enfermement dans l’enfance (où les farces cruelles sont déjà, toutes proportions gardées, un peu semblables aux tortures des gardes du camp, tandis que la même tendresse et la même poésie habitent le narrateur). Le sujet du troisième livre, Nécrologies, (écrit sous forme d’un policier amusant), n’est-il pas la vie et la mort et comment s’échapper ou survivre par l’écriture ?

D’abord surpris par le texte sans ponctuation de XCA le Camp, on est - grâce aussi au rythme ininterrompu - très vite emmené, sans pouvoir s’arrêter de lire, dans l’univers intérieur du camp et surtout dans l’univers intérieur du narrateur. C’est, par le monologue d’un prisonnier, l’entrée dans un monde à la fois angoissant, poétique, terrible et lumineux.

Dans le monstrueux décor d’un camp - si réaliste et à la fois intemporel - le prisonnier voit chaque jour un homme au visage serein, un prisonnier comme lui mais qui a peut-être découvert une façon de survivre. Peu à peu, mais surtout par signes, cet homme lui enseigne comment ne pas se perdre : faire le vide en soi, être seulement dans l’instant, ne jamais penser au passé ni à l’avenir, faire un travail de silence, et pourtant voir la beauté du monde : une orange, une fleur, des fourmis, un oiseau sur sa manche.

"Il a détaché un quartier du fruit et l’a glissé dans sa bouche, l’a longuement savouré ses lèvres remuaient lentement il semblait si recueilli si calme si présent il ne laissait rien échapper tout était éprouvé c’est pour cela que la joie irradiait de lui avec une telle intensité une telle pureté tout cela avec un seul quartier d’orange"

Par une sorte de retournement, après le "départ" de l’homme qui l’a aidé, le narrateur à son tour enseigne à un nouvel arrivant comment tenter de se sauver en lui-même. Comme dans Un moment d’absence, la compassion est là, et au milieu de l’innommable, la même découverte presque tranquille et émerveillée de la sérénité.

"Ce que j’avais à lui dire était bref et d’une grande simplicité tout ce qu’il avait besoin de savoir était en lui il devait simplement faire silence et amener cette sagesse au jour, il devait juste faire la lumière en lui-même c’était seulement par la vacuité que l’on s’éveillait"

Jusqu’au bout, avec la révolte par les mots et la dernière métaphore de la trappe qui s’ouvre, XCA le Camp est à la fois un long poème (on pense à Louis-René Des Forêts), un cri, un éveil, une réflexion sur la force de l’esprit et du coeur face à la barbarie et à la bêtise.

Vivette Perret
( Mis en ligne le 09/10/2000 )
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