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Littératureet Romans & Nouvelles  

Matriochka
de Cristina Comencini
Verdier - Terra d'altri 2002 /  15 €- 98.25  ffr. / 188 pages
ISBN : 2-8643-2355-9

Traduit de l’italien par Carole Walter

Femme aux multiples visages

Chiara, biographe et mère de deux enfants, est engagée par Antonia, sculptrice atteinte d’un cancer, pour coucher sur papier ses mémoires. Dans le petit "salon des souvenirs", magnétophone sur la table, bloc et crayon en main, Chiara entreprend de sonder la personnalité complexe de cette femme au physique imposant dont la vie de bohème semble si diamétralement opposée à la sienne.

C’est dans un climat de lutte, marqué par l’attirance et le rejet, qu’Antonia dévoile son histoire. Mais, rebondissant sur les frustrations respectives des deux personnages – la création artistique pour Chiara, la maternité pour Antonia - les rôles s’inversent. "J’ai l’étrange sensation que réfléchir sur moi me conduit à elle, éclaire parfois certains aspects de sa biographie. Et inversement, la pénétration progressive des événements de sa vie me renvoie aux données les plus profondes de ma propre histoire", confie la narratrice. Et son interlocutrice de reprendre, quelques pages plus loin : "l’histoire d’un autre finit forcément dans la sienne propre."

Sur les traces multiples et chaotiques de la vie d'Antonia, Chiara part donc à la rencontre de ses propres origines, dissimulées derrière l’énigme de Teresa, sa mère qui l’abandonna à la naissance. Les points de convergence se multiplient étrangement entre cette génitrice inconnue et Malù, amie et confidente décédée d’Antonia, en quête perpétuelle de l’homme idéal. Hasard ou vérité ? Ces coïncidences constitueront en tout cas pour Chiara le prétexte à un retour sur soi et révèleront enfin cette fibre littéraire qu’elle avait refoulée : de la biographie d’Antonia, elle tirera son premier roman.

À travers un savant jeu de mises en abyme, à la manière des matriochkas, ces poupées russes qui donnent son titre au roman, Cristina Comencini appréhende la multiplicité de l’être et du corps, de l’insouciance de l’enfance au recul propre à la vieillesse, en passant par les tâtonnements et les incertitudes de l’adolescence et la quête d’équilibre de l’âge adulte. L’écrivain accorde peu de concessions aux hommes : pères absents ou insignifiants, maris égoïstes ou amants volages, frères accaparants. Car dans ce roman au style à la fois incisif et sensuel, c’est avant tout de la femme qu’il s’agit et de sa relation à l’amour. Amour fraternel marqué par la rivalité, amour conjugal caractérisé par le décalage et l’incompréhension, et enfin amour maternel, problématique et pourtant infinie source de création, qu’il s’agisse d’œuvres d’art pour Antonia ou d’enfants pour Chiara.

Maud Jobbé-Duval
( Mis en ligne le 21/03/2002 )
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