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Littératureet Romans & Nouvelles  

Arobase
de Aziz Chouaki
Balland 2004 /  18 €- 117.9  ffr. / 220 pages
ISBN : 2-7158-1509-3
FORMAT : 13x20 cm

William is watching you

Arobase est une jeune un peu pommée, qui a connu le viol et moult galères, sorte d’OVNI dans le Paris bobo. Elle a des amies lesbiennes, un copain imminent aux origines rwandaises, fils de bonne famille devenu paria ou presque en France, et, dans le tunnel sombre de son existence, l’amour du théâtre - scène d’une vie simplement exagérée, amplifiée - lui donne toute sa force : «Bref, famille zéro, mecs zéro, reste le théâtre, la trace, le sillon.» (p.63)

Elle vit pour ça, en plus, accessoirement, de trouver un homme valable, et cherche donc à monter Othello, en fan de Shakespeare. Un certain William hante d’ailleurs le récit... Un Othello inscrit dans le XXIe siècle, avec rollers et tutti quanti, mais Othello quand même, dans le plus pur respect du texte. «Saut de l’ange, Arobase plonge, elle lui bouffe le cervelet, lui décortique Othello, la mécanique des sentiments, l’amour qui devient haine, la dérive des certitudes. Penchée en avant, les mains parleuses, elle lui démontre la fluidité des ressorts dramatiques, le travail de l’insu, Iago, Desdémone, Othello, le drapé du drama. Elle pose sur la table toute sa conviction, miroir au monde actuel, carence d’âme.» (p.86) Au point d’ailleurs que le roman met en scène le drame shakespearien dans la vie même d’Arobase...

Il y a du Bretécher dans le dernier roman d’Aziz Chouaki, Arobase évoquant une Agrippine qui aurait eu la vie plus dure, plus trash. Mais on retrouve dans ce beau diamant mal taillé la même silhouette d’une jeune urbaine de temps décidément trop modernes, modernité qui serait venue se lover jusque dans son prénom même. Quoique, Arobase, s’il fait référence à un monde pris dans la grosse toile, est un prénom aux origines plus nobles qu’on ne le croirait. Son étymologie est méditerranéenne, orientale... Rien de très surprenant chez un écrivain au passé algérois, qui en profite d’ailleurs, dans ce roman doux-amer, pour écrire d’une plume télégraphique mais joliment littéraire, quelques soufflets à la France bien-pensante. «L’Islam. Non, il y a un vrai truc avec l’Islam en France, faut le dire putain, un vrai truc. Ca passe pas, quoi. Problème de digestion nationale, ça ne veut pas passer.» (p.138)

Le style pourra gêner : rapide, parfois surmené, il fait souvent l’économie d’une syntaxe en bonne et due forme, mitraillage de mots se passant de verbes et de propositions, brut en somme comme la vie précipitée de cette jeune théâtreuse : «Taxie, hop, Brasserie Lipp, table cinq, toujours la même depuis sept ans, il est dix-neuf heures. Clientèle éparse, tête connue, tient Sollers, ça va, oui à tout à l’heure.» (p.41)

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 13/10/2004 )
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