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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Cinq tentations de Tomas Kloster
de Luc Girerd
Albin Michel 2005 /  16 €- 104.8  ffr. / 229 pages
ISBN : 2-226-15681-X
FORMAT : 15x23 cm

Jeux de rôles

Homme de théâtre (fondateur de L’Aventure Théâtre Compagnie), Luc Girerd est aussi l’auteur de plusieurs romans (Les Rivages interdits, Eloge du père qui m’assassina…). Ecrit à la première personne, Les Cinq tentations de Tomas Kloster est le récit d’une fascination : celle du narrateur face à son ami d’enfance Tomas. Tomas, imposteur ou sincère ? Le narrateur comme le lecteur ne peuvent que se poser la question tout au long de ces 230 pages. Les deux hommes se sont connus enfants sur les bancs de l’école et le narrateur a suivi Tomas de fillettes en femmes ; cinq tentations aux prénoms féminins : Diane, Isabelle, Sophie, Ninon et Louve l’ultime.

Cinq tentations qui, à chaque fois, l’éloignent momentanément de son ami, avant de l’en mieux rapprocher. Deux amis d’enfance dans le Paris des années 70 qui usent leurs culottes sur les mêmes bancs d’école, de lycée puis de rallyes parisiens. Deux destins opposés de façon quasi caricaturale : Tomas, l’imposteur ou le trop sincère, orphelin de père qui s’invente une histoire, une mère, un passé, laid selon ses critères et sa perception, beau ou en tout cas séduisant aux yeux du narrateur qui nous fait partager sa vision et nous livre la longue silhouette maigre, quasi efflanquée, d’un adolescent des années 70/80 se refusant à devenir adulte, bien qu’il assume momentanément une paternité.

Tomas est toujours dans la fuite, l’esquive, le déséquilibre volontaire, hésitant entre révolte et révolution romantique. On pense souvent au héros de Pasolini, dans Théorème. Tomas le dérangeant sait pimenter la vie des autres et les pousser au bord de l’inquiétude ou du drame, puis disparaître soudainement au cœur de la tornade qu’il a provoquée. Il se met en scène avec talent sans que son entourage sache toujours s’il s’agit de réalité ou d’illusion. Le vertige de sa vie s’accélère de provocation en provocation, avec pour seules solutions des fuites de plus en plus longues, de plus en plus lointaines et vaines, puisque c’est à lui même qu’il tente désespérément d’échapper.

Face à lui, séduit et fasciné dès la plus tendre enfance, le narrateur, aristocrate trop sage, polytechnicien, époux d’une jeune femme modèle, père de famille lisse, fade et stable, bref, son antithèse absolue. Narrateur dont l’intérêt essentiel est de servir de faire-valoir à Tomas et qui d’ailleurs en a conscience. Le personnage du narrateur est sans doute un des points faibles du roman. De Venise à Paris, en passant par la Corse des vacances et des nationalistes, deux vies passent, fidèles aux rôles dessinés et assumés dès l’école primaire. Des personnages secondaires, esquissés à grands traits : la colonelle de Lochet qui recueille Tomas, Caroline l’épouse du narrateur, Ninon celle de Tomas, les parents de Ninon, petits-bourgeois âpres au gain.

Le style est alerte, le récit mené de façon vive ; on ne s’ennuie pas un instant ; certaines scènes sont franchement drôles (les soirées des rallyes parisiens, les manifestations de jeunes lycéens), d’autres plus tragiques ou émouvantes (la difficulté de Tomas à aimer ou à accepter d’être aimé), les dialogues sont vifs. Un moment de lecture agréable et léger.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 01/04/2005 )
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