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Littératureet Biographies, Mémoires & Correspondances  

Carnets
de Goliarda Sapienza
Le Tripode 2019 /  25 €- 163.75  ffr. / 480 pages
ISBN : 978-2-37055-174-0
FORMAT : 16,1 cm × 24,0 cm

Angelo Pellegrino (Compilateur)

Nathalie Castagné (Traducteur)


Mochetés du présent

Les éditions du Tripode poursuivent leur travail de traduction et publication en France de l'oeuvre de Golliarda Sapienza, intellectuelle italienne majeure du second XXe siècle. Figure communiste, sicilienne, féministe, la romancière est l'auteure d'un chef d'oeuvre au titre inégalé - L'Art de la joie -, qui devrait faire partie de toute bibliothèque sérieuse et humaniste.

Ce sont ses carnets que l'éditeur publie en ce début d'année, une sélection assurée par Angelo Pellegrino, le mari de G. Sapienza, et qui court sur vingt ans, de la fin des années 70 (Golliarda vient d'achever L'Art de la joie, et s'adresse d'ailleurs ici régulièrement à Modesta, héroïne/alter ego), aux années 90. Là, Golliarda Sapienza, poussée par son époux qui lui offre régulièrement des carnets où écrire, annote un quotidien, entre Rome, Gaeta et la Sicile, le quotidien et l'oeuvre, moins pour la postérité que pour soigner ses maux : la dépression qui guette, la vieillesse qui réclame sa dîme, le manque d'argent, les déceptions multiples : trahisons des idéologies et de l'histoire, dévoiements du féminisme, tragédie d'une génération, la sienne, qui a grandi sous le fascisme et ne s'en sera jamais lavée.

Et le quotidien, les mochetés du présent : l'écriture qui avance mal – un roman en gestation sur... sa mère -, les cours qui rapportent mais dont il faut toujours attendre puis réclamer les soldes, un voyage en Chine, un tour de l'Europe, une tournée de théâtre, les réalisateurs, les acteurs, les actrices (de beaux passages sur Nastassja Kinski), les écrivains, les intellectuels. Préparer des yaourts, et profiter aussi d'un peu de chirurgie esthétique (surréaliste passage dans le dernier quart de l'ouvrage !).

Le tout donne un mélange aussi improbable que peut l'être une vie, souvent ennuyeux (le quotidien manque cruellement de romanesque) et confus (il faut connaître la vie de la romancière pour se repérer dans la valse des noms et l'évocation d'étapes qui ne composent pas vraiment ici une biographie – des notes de l'éditeur en plus grand nombre auraient été bienvenues) ; parfois dramatique, donc prenant ; parfois édifiant, car c'est une grande dame qui parle.

L'attention du lecteur peut donc s'émousser au fil des ans et de leur récit, sans jamais se départir cependant d'une profonde admiration pour cette altesse des lettres européennes.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 06/02/2019 )
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