L'actualité du livre
Littératureet Poésie & théâtre  

Les Fables de Zambri
de Ambrose Bierce
Le Dilettante 2013 /  15 €- 98.25  ffr. / 192 pages
ISBN : 978-2-84263-747-7
FORMAT : 12,0 cm × 18,0 cm

Alice Charbin (Illustratrice)

Thierry Beauchamp (Traducteur)


Fables absurdes

Précédées d’une préface fort intéressante de Thierry Beauchamp, le traducteur, et illustrées de façon malicieuse par Alice Charbin, ces Fables de Zambri que réédite Le Dilettante offrent un moment de lecture réjouissant. Ces courts textes inspirés d’une tradition fondée par Ésope et qui fonctionnent résolument selon le principe de l’absurde, étaient des textes de commande écrits lors du séjour londonien de Bierce (les 57 premiers ont paru entre juillet et septembre 1872, suivis d’autres entre novembre 1872 et mars 1873). Si ce séjour londonien déçut l’auteur américain à plus d’un titre, en revanche à son retour aux États-Unis, et durant toute sa vie, il continua d’explorer avec talent le genre de la fable ; au total il en composa environ 850… parues en recueil sous le titre Les Fables fantastiques.

Ces Fables de Zambri, inédites en français, peuvent être lues, selon les termes de Thierry Beauchamp, comme un «laboratoire expérimental». Le genre de la fable, avec sa concision, se prête particulièrement bien à la forme d’esprit de Bierce, dont on connaît surtout en France le caustique Dictionnaire du Diable. Une idée de l’esprit de ces pages alertes : la dédicace au rédacteur en chef de Fun : «Monsieur, j’ai traduit du persan ces fables écrites par Zambri le Parsi, un contemporain de Zoroastre. Je les crois égales à celles du regretté M. Ésope, en tout cas aux plus nulles d’entre elles. J’en ai encore des tonnes en réserve et je continuerai de vous les envoyer aussi longtemps que vous le supporterez. Dod Grile (Ambrose Bierce)».

Une lecture jubilatoire, que l’on peut faire en ouvrant le livre à n’importe quelle page, Ambrose Bierce s’y moque de tous et de chacun… Le crapaud s’enorgueillit d’être «l’animal le plus verruqueux de la création. Peut-être bien dit une taupe, en émergeant du sol, mais c’est là un honneur stérile et superficiel. Je ne peux même pas te voir !» Escargot et limace discutent leurs mérites respectifs… Une girafe et un caniche s’affrontent… Humour noir et cynisme sont au rendez-vous et la morale de la fable du coquelet et de la poule peut résumer la philosophie de Bierce : «Cette fable montre à quel point il est absurde de prêter l’oreille à tout ce que les gens ont à dire».

Quant à l’auteur lui-même, ce court recueil peut donner envie d’en savoir davantage sur sa vie, lui qui disparut au Mexique, à 71 ans, lors de la révolte de Pancho Villa en janvier 1914 ; le dernier texte qu’on ait de lui est une lettre à sa belle-sœur avec laquelle Thierry Beauchamp ouvre sa préface : «Adieu - si tu apprends qu’on m’a collé contre un mur mexicain et qu’on m’a criblé de balles, sache que c’est plutôt une bonne manière de quitter cette vie. C’est mieux que la vieillesse, la maladie ou une chute dans l’escalier de la cave. Être un gringo au Mexique, voilà l’euthanasie !» (1er octobre 1913).

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 12/06/2013 )
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