L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

Bye-Bye vitamines
de Rachel Khong
10/18 - Domaine étranger 2019 /  7,50 €- 49.13  ffr. / 213 pages
ISBN : 978-2-264-07440-9
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication française en avril 2018 (Les Escales)

Caroline Bouet (Traducteur)


Patrimony

Ruth, la narratrice, trente ans, vient d’être quittée par son fiancé Joel. Appelée à la rescousse par sa mère Joan, elle retourne chez ses parents passer une année, grâce à un congé sabbatique de l’hôpital où elle est échographe. Son père, Howard Young, éminent professeur d’histoire à l’Université, a un comportement de plus en plus bizarre, et vient d’être diagnostiqué souffrant de la maladie d’Alzheimer. Il jette ses vêtements dans les arbres, se promène en pyjama dans la rue... mais il a des moments de lucidité et une poignée d’étudiants de troisième cycle, avec la complicité de Ruth, constitue une classe une fois par semaine, malgré l’interdiction de l’administration, pour faire croire à Howard qu’il est encore capable d’enseigner. L’affaire tourne court mais permet à Ruth de faire la connaissance de Théo, fidèle admirateur de Howard.

Ruth réussit à instaurer dans la maison une alimentation normale car sa mère, très originale et hurluberlue, a des habitudes bizarres et a banni les casseroles de la cuisine. Ruth voit avec peine l’état de son père s’aggraver. L'érudit qu'elle admirait diminue petit à petit, s’enfonçant dans la folie malgré les efforts pour maintenir un semblant de normalité. Elle est obligée de sécuriser la maison pour éviter les accidents.

Le récit est conté sous la forme du journal de Ruth, un enchaînement d’anecdotes et de pensées farfelues qui déroute et reflète l’aggravation inexorable de la maladie. Finis la rationalité et l’équilibre de la famille qui vit dans un joyeux chaos rapporté par la narratrice avec un grand sens de l’humour. La narration, parfois dramatique, n'est jamais larmoyante, portée par beaucoup de tendresse et de finesse.

Les scènes poignantes alternent ainsi avec des moments plus amusants. L’auteure évoque souvent le temps qui passe... trop vite. Howard, dans ses moments de lucidité, lui lit le journal qu’il tenait quand elle était une adorable fillette pleine de questionnements. « Aujourd’hui, tu m’as demandé si j’avais déjà vu une mite en train de manger des vêtements et j’ai répondu avec honnêteté : non». Ruth évoque les gens qui changent, les choses oubliées, les êtres qu’on aime... et qui meurent. Sa nostalgie rappelle que la vie n’est jamais ce qu’on en imaginait enfant.

La famille évolue, c’est maintenant Ruth qui s’occupe de ses parents, bien qu’elle ait peur de gaspiller son temps avec des détails sans importance. Elle voudrait se consacrer à l’essentiel, l’amour de ses parents, mais la vie matérielle apporte obligations et fardeaux : Le quotidien d'un accompagnant de malade est très dur.

Ce premier roman d'une jeune Américaine de Los Angeles est attachant, réaliste et pétillant. Un premier essai prometteur, le portrait d'une famille dans toute sa complexité. «Tu ne voulais pas que je me sente obligée de rester. Tu m’as dit que tu ne voulais pas que je te vois te comporter comme un fou de Bassan. C’étaient tes mots. (…) Je t’ai dit que j’allais réfléchir à ta décision. Tu étais mon père, il n’y avait pas à discuter».

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 05/07/2019 )
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