L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

Route 62
de Ivy Pochoda
Liana Levi 2018 /  22 €- 144.1  ffr. / 360 pages
ISBN : 979-10-349-0050-3
FORMAT : 14,3 cm × 21,5 cm

Adélaïde Pralon (Traduction)

Route 62

Ivy Pochoda offre avec Route 62 une fresque polyphonique irrésistible sur l'Amérique des marges et le naufrage de l'Amérique mainstream. Comme dans son précédent roman - L'Autre côté des docks -, la structure est kaléidoscopique, marqueterie de récits suivant chacun un personnage au fil d'une progressive imbrication. La lecture avance ainsi à tâtons, d'un chapitre à l'autre, entre 2006 et 2010, entre Los Angeles, downtown, le quartier mal famé de Skid Row, et un ranch perdu. Là, un gourou réunit une tribu de ''stagiaires'' qui l'aident à élever et tuer des batteries de poulets, tout en se formant à sa philosophie new age faite de séances d’humiliation collective.

Plusieurs itinéraires se déroulent et se croisent, ceux de Blake et Sam, criminels en cavale dans le désert, qui rappellent en négatifs les George Milton et Lennie Small de Steinbeck. Sam est cette brute animiste, titan indien/océanien au sang chaud et les superstitions bien ancrées. Britt, jeune américaine, princesse de ''suburbia'', est cette beauté rousse dont le destin est dérouté par une faute qu'elle peine à avouer. En fuite, elle atterrit dans le ranch et rejoint la secte. Là, Owen et James, les deux jumeaux du gourou, sont sur le point d'emprunter des chemins différents. A L.A., Tony est ce cadre de banlieue à la vie trop réglée, formatée par les diktats sociaux propres à la classe moyenne américaine, ses convenances, son hypocrisie, son consumérisme anxieux. Ren (que l'on a rencontré dans le précédent roman d'Ivy Pochoda) est sorti de prison et a immédiatement pris le chemin de la Cité des Anges, pour y retrouver sa mère, Laïla, clochardisée dans le centre-vile.

Des parcours distincts, des personnages meurtris, perdus, en quête d'une liberté, récits rassemblés sur cinq années, au cœur de la mégapole californienne, et la course hébétée d'un homme nu sur les échangeurs autoroutiers. L'histoire commence ici, en 2010, un matin comme les autres : un homme nu, sur l'asphalte.

Le roman se lit d'un traite, porté par une structure à la fois très littéraire et hautement cinématographique. On s'attache à ces personnages, leurs déroutes, et le mystère d'un récit qui finira par les rassembler tous. On pense à tous ces films qui disent la vacuité de la vie urbaine made in USA, Magnolia de Paul Thomas Anderson, 21 grammes d'Alejandro González Iñárritu, et l'âpreté de contrées vastes et désertées.

On conseille vivement la lecture de cette épopée humaniste aigre-douce, miroir brisé d'une société cassée.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 12/09/2018 )
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