L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

Dix jours dans les collines de Hollywood
de Jane Smiley
Rivages 2008 /  23 €- 150.65  ffr. / 540 pages
ISBN : 978-2-7436-1797-4
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

Traduction de Céline Leroy.

Le temps d'un week-end

Lauréate du Prix Pulitzer pour L'Exploitation, Jane Smiley livre avec Dix jours dans les collines de Hollywood une satyre ouatée de l'Amérique de Bush.

Comptant plus de 500 pages, le roman est assez théâtral : unité de lieu (les villas plus que cossues des hauteurs angelines) et de temps avec autant de chapitres que de journées, 10 en tout. Hic et Nunc, une galerie de personnages, acteurs, réalisateurs, producteurs..., se met en scène, entre discussions à bâtons rompus sur l'administration Bush, le 11 Septembre et la guerre en Irak, qui vient tout juste de commencer : nous sommes à la fin du mois de Mars 2003...

Luxe, politique et sexe : dans les deux villas servant de cadres aux discussions et câlins, la dizaine de personnages prend relief au fil des pages. L'ambiance est celle intello-chic propre à l'intelligentsia américaine, notamment dans sa variante californienne : on discute beaucoup et on baise pas mal, en gros plans et sur des scènes non «cuttées». Un peu comme le projet de Max, réalisateur aux succès aussi réels que lointains, qui tire de ses ébats avec Elena, sa nouvelle conjointe, auteure de guides psy ès développement personnel, l'idée d'un film dont l'intrigue et la durée se concentreraient sur un couple au lit, entre coït et discussions sur le monde.

Son agent, Stoney, accessoirement amant de la fille de Max, la pulpeuse Isabel, de quinze ans sa cadette, essaye de le convaincre de pencher plutôt pour une grande épopée que voudraient lui confier quelques producteurs russes : un remake de Tarass Boulba de Gogol... Pourquoi pas...

Autour d'eux, la mère d'Isabel et ex-femme de Max, Zoe Cunningham, véritable star hollywoodienne, la peau brune au sang des îles, actrice et chanteuse adulée, mais qui traverse aussi sa crise de la bientôt cinquantaine. L'accompagnent son amant et coach au yoga, l'imperturbable, sinon placide, Paul, ainsi que sa mère, Delphine, et l'amie de cette dernière, Cassie. Enfin, Simon, fils d'Elena, entre dans l'âge adulte avec un rôle de pénis sur pattes dans une production universitaire, et Charlie, ami de Max, est le seul à voir d'un bon oeil l'intervention en Irak et la politique de Bush...

10 journées durant lesquelles ces gens mangent, boient, farnientent, refont le monde dans la tranquillité méditerranéenne des collines californiennes, et se dévoilent aussi... ce qui n'est pas peu dire au pays des faux-semblants. On y parle beaucoup de cinéma, bien sûr, mais aussi de littérature et de la vie.

Tout cela est bien sûr très vain mais l'ensemble plante un décor, des ambiances, qui le sont moins. Et c'est d'un oeil curieux et intéressé que l'on suit ces personnages dans leurs lentes déambulations. Cette guerre en Irak qui, au final, n'aura été qu'un sujet de conversation, le temps d'un week-end, montre tous le désarroi de ces happy few américains, capables certes de s'offusquer des événements qui, chez certains, peuvent provoquer des effets secondaires (l'impuissance chez Max, l'angoisse et la colère chez Elena), mais pas au point de les contester, sinon, peut-être, dans la réalisation d'un film métaphorique issu d'un grand classique de la littérature russe... Et après?...

Un roman plaisant, symptôme d'une époque et d'un milieu, intelligent et bien mené.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 11/07/2008 )
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