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Littératureet Poches  

Le Cercle de la croix
de Iain Pears
Pocket 2004 /  8.60 €- 56.33  ffr. / 924 pages
ISBN : 2266088025
FORMAT : 11 x 18 cm

A quatre voix

Oxford, 1663. Un jeune apprenti médecin vénitien découvre une petite ville encore balbutiante, qui n’a pour seule fierté que sa toute récente université. Quelques tavernes et échoppes, des rues aux contours imprécis souvent envahies de boue composent en grande partie un décor auquel le voyageur italien a bien du mal à s’habituer. Ce décor va être le théâtre d’un crime, à la fois point de départ et de convergence de ce roman à quatre voix.

C’est là que résident l’intérêt et l’originalité du Cercle de la croix, troisième roman de l’Anglais Iain Pears, paru en 1998. Autour d’un seul et même événement (le meurtre d’un professeur par empoisonnement à l’arsenic) et d’un personnage fort et énigmatique (Sarah Blundy, jeune servante condamnée pour le crime), quatre personnages racontent leur version des faits. Marco da Cola, jeune Vénitien ; Jack Prescott, fils d’un traître mort en exil ; le docteur John Wallis, mathématicien et espion ; John Wood, historien : leurs récits vont se succéder (celui de da Cola faisant office de texte fondateur et de référence pour les trois suivants), pour se contredire, s’entrecroiser, s’enrichir les uns les autres, formant ainsi un kaléidoscope narratif extrêmement réjouissant.

Iain Pears se montre particulièrement habile en ouvrant son roman par le témoignage du jeune Vénitien. Par sa fonction d’étranger souvent perdu et surpris face à ce monde inconnu qu’est Oxford, il fait office d’un Candide qui cherche à comprendre, à décoder un univers mystérieux, tel le lecteur moderne découvrant l’Angleterre du XVIIe siècle dépeinte par l’écrivain. Il nous suffit de suivre les traces de Marco da Cola pour voir les portes de la ville s’ouvrir peu à peu. On s’attache à ce jeune homme joyeux et à sa manière plutôt empirique de pratiquer la médecine. Et cet attachement devient presque un élément du roman, puisque les trois autres témoignages vont s’évertuer à le malmener en contredisant la version que donne l’Italien des événements.

C’est ainsi que l’on découvre que la mort du docteur Grove et la condamnation de Sarah Blundy catalysent un grand nombre d’intérêts et d’enjeux, aussi bien personnels et intimes que politiques et historiques. Recherche médicale (ah, les transfusions sanguines en 1663…), manœuvres politiques, théories philosophiques, théologie : éléments qui font du Cercle de la croix un roman policier foisonnant, érudit et baroque à la fois. Et la succession de ces récits-témoignages fait l’effet d’un puzzle savant qui se constitue patiemment.

Le lecteur découvre des vérités au détour des mensonges de l’un, les motivations d’un personnage à travers le regard de l’autre : seul le dernier narrateur, l’historien Anthony Wood, paraît être au plus près de la vérité, et notamment du mystère de Sarah Blundy, tantôt, au gré des récits, jeune femme caractérielle, catin ensorceleuse ou dangereuse comploteuse. Seul le témoignage de Wood lui restitue son intégrité et son identité. Et par là, donne une réponse à la fois douloureuse et apaisée aux multiples questions posées dans ce roman à découvrir.

Véronique Delahaye
( Mis en ligne le 10/04/2005 )
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