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Littératureet Récits  

La Fin de la Société Carbonifère - Mémoires
de Henri-Alexis Baatsch
Seuil - Fiction et cie 2016 /  20 €- 131  ffr. / 360 pages
ISBN : 978-2-02-123627-9
FORMAT : 14,0 cm × 20,6 cm

Né en 48

Certains livres entrent en vous par leur titre, et restent. La Fin de la Société Carbonifère est de ceux-là.

Le récit proustien, par son ton, sa respiration, sa tendresse, d'une époque comme préhistorique, temps révolu d'une société fondée sur le charbon - production, consommation, culture -, morte quelque part entre un pavé parisien lancé par un étudiant de 68 et un convecteur électrique. Henri-Alexis Baatsch remonte le temps, les sensations et impressions de l'enfance et de l'adolescence, le temps de la France des années de Gaulle, de l'Algérie, des usines de Boulogne-Billancourt, de classes populaires, ouvrières, parisiennes comme il n'en est plus.

On pense aux travaux des historiens Jean-François Sirinelli, Pascal Ory ou Jean-Pierre Rioux, spécialistes de l'époque, avec, en plus, une sensibilité dite discrètement mais sans pudeur, un souci des sens, des hommes et des choses, la capacité à se confondre et se refondre par l'écriture et l'effort mémoriel dans son propre soi, version rajeunie de deux générations en arrière. Un très réussi travail d'ego-histoire.

En de courts chapitres, Henri-Alexis Baatsch saisit en effet brillamment l'esprit de ce temps. "C'est dans cet appartement du quatrième étage, avec sonnette qu'on tirait par son poids de laiton fixé au bout d'une cordelette, qu'a vu le jour mon idée que les années 60 avaient marqué la fin d'une société particulière, façonnée par le charbon et entièrement axée autour de son énergie. Cette société où le noir et le gris foncé des costumes d'hommes et des tailleurs de femmes, le noir des objets courants comme les voitures ou les téléphones, les dégagements noirâtres des grandes cheminées d'usines et des locomotives, étaient prédominants et donnaient la réplique aux murs de la ville, noircis par les fumées de charbon, pouvait bien aussi en prendre le nom : c'était la Société Carbonifère'' (p.88).

Notre époque, dès lors, serait-elle trop ''propre'', colorée, immaculée ? Le baby-boomer au seuil de ses vieux jours, peut-être joue-t-il malgré lui les barbons agacés ? On ne le croit pas car tout sonne juste dans ce long roman de soi. ''A l'heure d'internet et des réseaux, que fais-je au cœur des bois ? Je cherche l'impossible, l'invisible, le hors monde. Je cherche l'espace du temps'' (p.179). Un refuge débusqué dans et par l'écriture.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 11/07/2016 )
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