L'actualité du livre
Littératureet Récits  

Une femme en contre-jour
de Gaëlle Josse
Les éditions Noir sur Blanc - Notabilia 2019 /  14 €- 91.7  ffr. / 153 pages
ISBN : 978-2-88250-568-2
FORMAT : 12,8 cm × 20,0 cm

L’auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à l’École Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il a publié plusieurs essais et deux romans, Tu vivras toujours et Mes écrivains (La Rémanence, coll. Traces, 2016 et 2018).

L’ombre de Vivian Maier

En 2007, Vivian Maier est encore en vie. Mais malade, sans un sou, elle ne peut plus payer le box dans lequel elle avait entreposé tous ses cartons contenant des papiers, des négatifs, des rouleaux de pellicules. L’ensemble de ses documents est alors vendu aux enchères et un jeune agent immobilier, John Maloof, cherchant à acquérir des photographies pour illustrer un livre qu’il est en train de coécrire sur un quartier de Chicago, achète un lot de négatifs et de rouleaux, pour 400 euros. Il ne trouvera dans ces cartons rien de ce qu’il cherchait. Mais quand il découvre, par ce pur hasard, qu’il a entre les mains l’œuvre d’une photographe talentueuse qui de sa vie n’avait jamais exposé aucune de ses photographies, Vivian Maier est décédée. L’enquête peut commencer…

De Vivian Maier, on ne sait rien, ou très peu. Une petite enfance malheureuse à New York, entourée d’un père violent, d’une mère perdue et d’un frère ingérable. Des origines françaises, du côté maternel, que Vivian découvre au début des années 30, avec sa mère qui vient de se séparer de son mari. A Saint-Bonnet-en-Champsaur, ce village des Hautes-Alpes, Vivian Maier passera probablement les années les plus heureuses de sa vie. Puis, six ans plus tard, c’est le retour aux États-Unis, la vie difficile avec sa mère qu’elle perdra de vue progressivement… Il y a bien les grands-mères qui lui donneront de l’affection, mais elles disparaîtront assez rapidement.

Vivian Maier doit alors travailler et elle deviendra nounou. Un travail qui lui permet de n’avoir pas à se loger et de pouvoir déambuler avec les enfants dont elle a la charge, d’abord dans les rues de New York, puis plus tard et jusqu’à la fin de sa vie, dans celles de Chicago. C’est là qu’elle fixera, sur les films des pellicules des appareils qu’elle tient constamment autour de son cou, les visages de ceux qu’elle croise, «des exclus, des marginaux, des êtres usés» mais aussi des enfants, des femmes apprêtées… Elle consignera l’insolite, le comique et le tragique, des scènes de rue, du quotidien, où la beauté côtoie le banal et le trivial. Elle se traquera elle aussi, dans de très nombreux autoportraits qu’elle réalise tout au long de sa vie : «Elle poursuit bien plus que son image. Son œil invente une langue. L’œil, le «je». Elle ne cherche ni à plaire ni à se plaire, mais peut-être seulement à vérifier sa propre présence au monde».

Dans Une femme à contre-jour, Gaëlle Josse dresse un portrait plein d’empathie, balayant assez rapidement les parts d’ombre du personnage telles qu’elles ont été rapportées par des témoins dont elle avait été la Nanny, à la fin de sa vie. Un portrait flou, impressionniste qui n’apporte pas grand-chose de plus que le très beau documentaire réalisé par John Maloof et Charlie Siskel, Finding Vivian Maier, dont l’auteure s’est très (trop ?) largement inspirée. Si Vivian Maier a fait de sa vie un tel secret, c’est peut-être pour que l’on s’intéresse à son œuvre, qui, incontestablement, est une grande œuvre photographique ! Ce travail, qui dépasserait le mystère biographique, certes fascinant mais qui ne mène qu’à de plates hypothèses, reste encore à faire.

Arnaud Genon
( Mis en ligne le 03/05/2019 )
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