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Littératureet Fantastique & Science-fiction  

Sandman Slim
de Richard Kadrey
Denoël - Lunes d'encre 2013 /  23 €- 150.65  ffr. / 361 pages
ISBN : 978-2-207-10896-3
FORMAT : 14,5 cm × 20,2 cm

Jean-Pierre Pugi (Traducteur)

Tarantinesque

Voilà onze ans que James Stark n’était pas revenu à Los Angeles… onze années d’enfer au sens littéral du terme. Car Stark est un magicien, un vrai, exilé vivant par d’autres magiciens en enfer. Et là, après onze années à survivre comme gladiateur dans les arènes de l’enfer, puis comme assassin à la solde d’un archange déchu, Azazel, il est parvenu à s’enfuir. Dans sa fuite, comme un bonus, il a conservé trois objets infernaux aux propriétés singulières : une clef qui lui donne accès à tout l’univers, un couteau d’os aux propriétés toutes démoniaques, et une pièce, une Veritas, qui donne des conseils avisés (et humoristiques).

Ainsi équipé, il est donc de retour, pour exercer une juste vengeance sur ses anciens associés, et retrouver au passage quelques alliés, dont Vidocq, le vrai, alchimiste immortel et blasé… Mais en onze ans, les choses changent, et les associés sont devenus des mages d’une puissance immense. Leur chef, Mason, a conclu des alliances qui pourraient mettre en péril l’univers même. Car sans le savoir, Stark a mis les pieds dans une partie qui le dépasse, une partie commencée depuis la Création et qui oppose anges, démons et… autre chose. Et si la vengeance avait un goût d’Armageddon ?

Bienvenue en Californie, mais une Californie autre, magique, hantée par des créatures surnaturelles, divines et démoniaques qui se livrent, pas très discrètement du reste, à une guerre à coup d’armes bénites et de sortilèges. Et au milieu de tout cela, croque mitaine dans un monde monstrueux : James Stark, évadé de l’Enfer. Richard Kadrey a créé un personnage attachant, un mauvais garçon sympathique. On songe à John Constantine (Hellblazer), cet exorciste maudit créé par Alan Moore et devenu un excellent film : même cynisme désabusé, avec, dans le cas de Stark, des moyens plus conséquents pour parvenir à ses fins. On songe aussi à un beau jeu de rôle, In Nomine Satanis, qui en son temps, et pour les rôlistes, permettait de jouer ange ou démon. Autant de références sérieuses pour les amateurs : Sandman Slim est de cette eau ! De l’action, un humour bien noir et une intrigue qui en annonce d’autres, avec un final à révélations.

L’un des romans de ''fantasy'' les plus réussis dans son genre, c’est-à-dire le style série B, rythmé, avec magie, complots, manipulations et bagarres, le tout bien imbriqué. Il offre un pendant tout à fait réussi au récent roman de Glen Duncan, Le Dernier loup Garou (''Lunes d’encre'' chez Denoel également) : même exploration des marges magiques de la réalité, même ton, entre polar et thriller, même héros – sympathique et désinhibé. Richard Kadrey a le sens du spectacle autant que de l’intrigue, et autour de son héros – un Constantine revenu de l’Enfer –, il articule une histoire et un décor dépaysants et passionnants. Il y a du Tarantino dans cette équipée sauvage, une espèce de jouissance, bientôt partagée par le lecteur, à suivre cet évadé sur-armé venu régler ses comptes.

Ecrit à la première personne, d’une traite, sans chapitre, le roman se lit d’une même traite, comme un polar, haletant : à peine attaqué, on l’a quasiment achevé. Le style compte beaucoup dans l’efficacité du roman, un style agréable, qui mélange humour, cynisme et action sans jamais se prendre complètement au sérieux. Butcher Bird, première publication française de Kadrey, était prometteur, mais là, on touche au futur phénomène, avec un décor et un héros taillés pour le grand spectacle. La collection ''Lunes d’Encre'' tient, on l’espère, un best seller… en attendant la traduction des autres romans du Sandman.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/04/2013 )
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