L'actualité du livre
Littératureet Policier & suspense  

Nadine Mouque
de Hervé Prudon
Gallimard - La Noire 2019 /  18 €- 117.9  ffr. / 172 pages
ISBN : 978-2-07-282852-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Sylvie Péju (Préfacier)

Le prince des Blattes

Ce roman, véritable OVNI de la littérature policière, écrit en 1995 et réédité aujourd’hui, absorbera le lecteur dans le tourbillon de ses mots, pures pépites, et le propulsera aux Blattes où «tout le monde s’appelle Nadine Mouque parce que Nadine Mouque, ça va pour tout le monde et toutes les religions, c’est un mot de passe pour vous gâcher le jour, vous dire la haine et l’irrespect de la personne humaine». Hervé Prudon conte les pathétiques aventures d’un quadra très laid, divorcé, chômeur et alcoolique qui vit chez sa mère dans une cité de la banlieue parisienne, accro par oisiveté au feuilleton «Hélène et les garçons», célèbre chez les jeunes ados... bien que débile. Nous sommes dans une banlieue du siècle dernier, quand les allocs se comptaient en francs et que NTM faisait fureur. L'homme n’est pas vraiment raciste puisque tout le monde lui est étranger dans la cité des Blattes, nommée ainsi en référence à l’infestation par les colonies de ces voisins incommodants.

Quand sa mère meurt devant la supérette locale, d’une balle perdue lors d'un règlement de compte, Paul la garde chez lui pour être moins seul. Un peu plus tard, suite à un accident de moto impliquant une Harley Davidson, arrivée par hasard dans le quartier, il récupère dans une benne à ordures en flammes une jeune fille qui se révèle être la Hélène du feuilleton, bien plus jolie que les professionnelles avec qui il couche de temps en temps rue Saint-Denis. Il la prend chez lui et c’est le début d’une odyssée avec force picrate, jusqu’au meurtre d’un ministre – Zarko - et d’une bande rivale de la cité qui voulait séquestrer Hélène... devenue Nadine Mouque.

L'humour glauque et un désespoir à vif, de très sérieuses références littéraires et poétiques : Hervé Prudon vrille le lecteur au roman, échafaudage instable d’ethnologie suburbaine, à peine caricaturée, sublime dérapage contrôlé pour un récit très réussi et original. La narration privilégie les phrases très longues qui permettent de s’immerger dans le cerveau de Paul, homme ravagé par l’alcool (il a déjà subi trois cures de désintoxication).

«Quand on naît ici, quand on y vit, on purge une peine à crédit, en leasing, on prend de l’avance sur les crimes qu’on n’a pas encore commis. On accumule les années de réclusion et quand on commet une faute, on a déjà été puni». Volontiers dérangeant et provocateur.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 10/04/2019 )
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