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Littératureet Rentrée Littéraire 2021  

La Part des anges
de Laurent Bénégui
Pocket 2019 /  5,95 €- 38.97  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-266-28570-4
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en septembre 2017 (Julliard)

L'ironie est la semelle qui piétine le malheur

Le nouveau roman de Laurent Bénégui fonctionne comme un scénario, avec en voix off les remarques de Muriel, la maman défunte, dont la présence en italiques parcours le récit de monologues posthumes. Une comédie romantique classique avec unité de lieue, de temps et d'action.

La mère de Maxime, Muriel vient de mourir à Saint-Jean-De-Luz, et, de son appartement parisien, il doit gérer les détails de la sépulture : "Le cercueil, lui, est entièrement conçu avec des matériaux recyclés, tout est cent pour cent biodégradable", déblatère au bout du fil l'employée des pompes funèbres ; "y compris le contenu, pensa Maxime", dérision à but salvateur, pour évacuer le pathos. Cette ironie, il la tient de sa mère - "au prix d'un sourire, on poursuit sa route".

Une tumeur au cerveau a eu raison de Muriel ; d'abord soignée à la maison par une infirmière libérale, Maylis, dévouée et amicale, elle finira ses jours à l'hôpital, où Maxime multiplie les visites. Il se crée une complicité entre les trois personnages, Maylis commence à s'intéresser à ce fils dévoué, Maxime n'est pas insensible au charme de la jolie infirmière mais tout cela reste très contenu ; il serait déplacé durant l'hospitalisation de Muriel d'envisager plus qu'un simple jeu de séduction. Pourtant l'idée a germé dans l'esprit encore intact de Muriel, car elle n'aime pas Elena, l'actuelle compagne de son fils, de douze ans son aînée et qu'il s'apprêtait d'ailleurs à quitter : "ouvre les yeux, mon fils, regarde ce petit lot, tellement mieux assorti à toi et plus attrayant que l'autre".

Maxime assiste donc à la crémation de Muriel et se retrouve l'urne dans les mains, seul et ne sachant qu'en faire. L'idée de faire le marché avec les cendres dans le panier à provisions est aussi burlesque que touchante : maman en compagnie de fraises, poireaux, radis, fromages, magret et foie gras ; il faut dire qu'elle aimait ça, faire le marché deux fois par semaine. Il y retrouve, par un de ces hasards littéraires qui font bien les choses, Maylis qui, une fois la stupeur passée, l'accompagne dans cette quête incongrue...

Le récit est tout en pudeur et retenue, intense et drôle. L'idée maîtresse de faire le marché, maman dans le panier, est insolite mais extrêmement bien traitée. C'est à la fois émouvant et hors du temps, une dernière union entre la vie et la mort avant que l'âme ne s'envole et restent seulement des souvenirs dont on ne connaît la véracité qu'à travers son propre prisme. Les cendres sont dispersées sur l'océan, Maxime a perdu sa mère, trouvé l'amour peut-être, et retrouvé au passage un père dans une piscine génétique qui lui importe peu...

Très cinématographique comme sujet ; dans l'insolence et l'indolence de la voix off, Catherine Deneuve serait une évidence.

Raymonde Roman
( Mis en ligne le 04/03/2019 )
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