Beaux arts / Beaux livres
Histoire de l'art de Anne-Marie Christin
Flammarion 2001 / 68.7 €- 449.99 ffr. / 430 pages
ISBN : 2080122797
La fabuleuse histoire des signes
L’écriture est le témoin à la fois tangible et mystérieux de toute civilisation. Retracer son histoire en partant de l’origine, c’est-à-dire de l’idéogramme sumérien à son avatar actuel, le multimédia ; telle est l’ambition de cet ouvrage magnifiquement illustré pour lequel Anne-Marie Christin, auteur notamment de L’Image écrite ou la déraison graphique, a réuni les contributions de quelque cinquante-deux chercheurs.
Plutôt que d’insister sur la question des origine de l’écriture, toujours affaire d’interprétation (où s’arrête la préhistoire et où commence l’histoire ? n'y a t-il d’écriture qu’à partir de la constitution d’un système ?), ou sur celle de ses motivations et de ses fonctions premières (magique, religieuse, politique, administrative, artistique...), le livre s’attache à décrire une évolution historique. Du dessin à l’idéogramme, de l’idéogramme au signe syllabique puis alphabétique ; telles sont les différentes étapes de l’évolution du signe qui, progressivement, perd à travers les âges et les civilisations sa dimension symbolique pour ne plus être qu’une simple convention - l’amenuisement du poids sémantique qui est originellement celui du signe tendant à limiter celui-ci à une pure valeur phonétique. La perspective évolutionniste qu’adopte l’ouvrage rend ainsi compte des différents passages d’un "paradigme" à un autre, c’est-à-dire globalement (il faudrait bien sûr nuancer et développer) d’une pensée de type magique ou mystique à une pensée rationnelle et spéculative.
Comme le souligne Anne-Marie Christin, auteur de deux passionnantes contributions, il va de soi que cette évolution correspond à la fois à un gain et à une perte. Selon l’historienne, tout se passe comme si l’écriture alphabétique se souvenait de son archéologie comme écriture idéogrammatique, et ainsi, loin de se satisfaire d’être un simple système de notations conventionnelles, renouait - notamment dans la peinture et la poésie du XXe siècle - avec sa vocation initiale d’image.
Si étonnant que cela puisse paraître, cet ouvrage est l’une des premières synthèses en français sur le sujet. On ne peut que se féliciter qu'elle soit de cette qualité.
Thomas Regnier
( Mis en ligne le 18/12/2001 )
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