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Pocheset Littérature  

Le Siècle des nuages
de Philippe Forest
Gallimard - Folio 2012 /  7.30 €- 47.82  ffr. / 591 pages
ISBN : 978-2-07-044554-7
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en août 2010 (Gallimard - Blanche)

Vertigineux

Le Siècle des nuages est assurément un grand roman. Où l'on retrouve avec joie la plume et le ton de Philippe Forest, un égotisme fuyant le soi pour s'exprimer à travers les autres, une mélancolie profonde, pessimisme ontologique, non dénué de tendresse, triste et patiente, une ambition timide mais ambition quand même, dont les plus de 500 pages ici témoignent... mais sans morgue. L'ambition de brosser une vie, celle de son père, et d'esquisser l'histoire intime du XXe siècle à travers son parcours atypique ; pour, à travers ces deux trames, dire ce que sont l'Homme, la vie et le temps, dans une approche quasi bergsonienne, insistant sur la durée et la plasticité de cette étrange matière qui nous fait naître et mourir, sa relativité aussi, temps long qui se dissout, ennuie, précipite. Durée enfin d'un phrasé propre à l'auteur, prose circonvolutive, construite de phrases parfois interminables, au tempo proustien, une respiration longue et lente qu'il faut savoir siroter. Tout cela. Bref, un régal littéraire.

Siècle des nuages car l'auteur nous le peint dans l'azur des cieux traversés par son père, aviateur, commandant à Air France, formé durant la guerre entre l'Algérie et l'Amérique. Un soldat sans guerre qui sera pilote de ligne, né au temps des pionniers de l'aviation sous le ciel de Mâcon, porteur de leurs idéaux, acteur/témoin de ce que l'aviation put aussi produire de pire durant la guerre, des bombardements des villes jusqu'à Hiroshima, mais l'âme chevillée malgré tout à l'humanisme des premiers temps de l'aéronautique, une foi dans le progrès et la bonté d'une humanité de laquelle, pourtant, il se détacha en solitaire : papa volage, toujours entre deux fuseaux, rarement à la maison.

Une histoire de France dite dans le terreau d'une province et la chair de gens vrais (régulièrement, Philippe Forest décoche quelques flèches contre les professionnels de l'histoire, universitaires porteurs du récit des vainqueurs, peu à son goût...) : c'est dans et grâce à la débâcle que l'épopée familiale fut possible, son père, jeune fils d'épicier, aidant à descendre jusqu'à Nîmes sa mère, jeune fille de libraire. L'histoire de Philippe Forest s'ancre entre le 17 et le 18 juin 1940 (le roman avance ainsi par date, chacune donnant son titre aux neuf chapitres), alors que se met en place l'échiquier réglant les cinq ans à venir. Et l'auteur n'oublie pas d'évoquer ce contexte, dans le détail et, aussi, une précipitation vertigineuse, emballement de dates pour baliser ce siècle.

Un roman foisonnant donc, épopée familiale, historique et... aéronautique. Car tout nous est dit aussi de cette aviation à laquelle ce père consacra sa vie : l'histoire, la politique, l'économie et la technique, la météo même, ponctuent de façon documentaire ce roman familial. Un équilibre parfait, dans lequel la poésie même apporte de son poids.

Un roman à acquérir sans tarder.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 28/03/2012 )
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