L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Avant
de Jean-Bertrand Pontalis
Gallimard - Folio 2013 /  5,4 €- 35.37  ffr. / 140 pages
ISBN : 978-2-07-045267-5
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en janvier 2012 (Gallimard - Blanche)

''Avec le temps...''

Le premier chapitre de ce livre — sorte d’inventaire à la Pérec (Je me souviens) — pourrait laisser le lecteur, s’il s’en tenait là, s’aventurer sur une fausse piste et prendre ce livre pour ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire une longue déploration nostalgique de ce qu’il y avait avant et qui n’est plus : de la possibilité de fumer dans les lieux publics à celle de voir deux films d’affilée au cinéma, en passant par les souvenirs plus personnels d’une enfance lointaine et d’une jeunesse révolue.

Or ce texte n’est rien de tout cela… ou si peu. C’est en réalité à une méditation sur le temps, sur le temps et la mémoire, que J.-B. Pontalis nous convie. Le style y est remarquable de simplicité, sans la moindre affectation, en dépit de la grande érudition que l’auteur y déploie. On y perçoit toujours le souci du mot juste et le désir d’être clair.

L’œuvre du philosophe semble, ici plus qu’ailleurs, indissociable de celle du psychanalyste : au récit de quelques-unes des cures dont il a accompagné le cheminement, se surimpose, par touches, le point de vue théorique d’un spécialiste, nourri d’une longue pratique, qui revient sur quelques notions importantes de la pensée freudienne, tout en prenant ses distances vis-à-vis de celle de Lacan (dont il a fréquenté longuement le séminaire parisien). C’est ainsi que, sans en avoir l’air, J.-B. Pontalis donne quelques pages importantes sur sa conception de l’inconscient.

Du contenu de l’ouvrage, il est difficile de rendre compte, car le texte semble se développer au fil de la pensée de l’auteur, par associations d’idées, par analogies, sans construction préalable. La forme en est très libre comme c’était déjà le cas pour certains de ses précédents ouvrages : on pense, par exemple, à L’Enfant des limbes ou à La Traversée des ombres. Cela tient d’abord au disparate de l’œuvre : une note signale, en fin d’ouvrage, que quelques-uns des chapitres d’Avant sont des remaniements de textes antérieurs. J.-B. Pontalis a l’habitude de dire qu’il procède par fragments. Mais plutôt que le fragment, l’écriture évoque ici le flux, le flux d’une pensée qui évolue par vagues, sans linéarité et qui s’enrichit de toutes les expériences de l’auteur, qu’il s’agisse de philosophie, de psychanalyse, de sa rencontre avec les livres, ou plus généralement d’expériences culturelles. Bref, on l’aura compris, l’exposé n’est pas une dissertation, c’est davantage une conversation avec l’auteur.

J.-B. Pontalis est de ceux qui vous donnent le sentiment d’une intimité, qui vous font la grâce de partager avec vous d’érudites confidences… pour le plus grand plaisir du lecteur.

Emmanuelle Benchimol
( Mis en ligne le 14/09/2013 )
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