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Pocheset Littérature  

Joyeux Noël !
de Alexandre Jardin
Le Livre de Poche 2013 /  6,90 €- 45.2  ffr. / 222 pages
ISBN : 978-2-253-17660-2
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en octobre 2012 (Grasset)

Repas de famille

En 2011, Alexandre Jardin avait publié Des gens très bien, récit dans lequel il tentait de retracer le rôle qu’avait tenu Jean Jardin, son grand-père, auprès de Pierre Laval. Il l’avait dit à cette époque, cet exercice était pour lui une nécessité vitale, celle de dire enfin la vérité, du moins sa vérité, sur la place de sa famille dans les années d’occupation, quitte à s’attirer les foudres de nombreuses personnes, à commencer par ses proches, ce qui ne manqua pas d’arriver.

Dans le prologue du présent ouvrage, Joyeux Noël, Jardin annonce que son dernier roman est une conséquence immédiate de l’écriture et de la publication du récit familial, qui a agi comme une thérapie et a fondamentalement changé sa manière d’envisager la vie. Ce profond bouleversement, Alexandre Jardin, dans sa générosité spontanée, veut le partager avec nous et il s’en fait l’apôtre.

Pour cela, il nous rapporte l’histoire d’une famille bretonne, les Diskredapl, dont il aurait eu connaissance grâce à l’un de ses membres, la belle et magnétique Norma venue à l’une de ses séances de signature. A lire ce récit, on a affaire à une sorte d’avatar des Atrides. Ils sont maudits mais riches et modernes, et s’il fallait trouver un point commun à tous ces rejetons bretons issus d’une île battue par les vents, au large d’Audierne, c’est sans doute leur rapport au sexe ou même la bizarrerie de leurs rapports sexuels (sur lesquels on apprend tout) : le sexe seul en voiture, à deux mais jamais avec son légitime, avec un ascendant, pourquoi pas, dans les tenues les moins conventionnelles possibles, etc…

Ajoutons à cela une pointe d’infamie jardinesque : le grand-père a collaboré. De leur mode de vie déjanté, des errances voire des crimes qu’il a pu engendrer, les Diskredapl ne parlent pas, se présentant tout au plus comme des originaux un brin géniaux. C’est ce que Norma n’a plus pu supporter : de sa vie, de sa famille, elle veut chasser le déni et Jardin va l’accompagner dans cette quête qui va provoquer un scandale épouvantable mais salvateur lors d’un repas de Noël sur l’île.

Au final, le propos est assez simple : nous passons notre temps à nous cacher la vérité sur nos existences, et cela n’a d’autre effet que de les assombrir davantage et de répandre le malheur. Soyons francs envers nous-mêmes et envers les autres. Bien sûr, cette franchise peut parfois avoir des conséquences néfastes sur la vie de notre entourage, mais Alexandre Jardin nous le promet, le jeu en vaut la chandelle. D’ailleurs, il publie lui-même en annexe quelques vérités : sa fiche d’impôt, sa bibliographie revisitée par son œil nouveau, etc.

Dans un style dont il a le secret, jeux de mots perpétuels, récurrentes scènes de tempête bretonne, Jardin se fait le zélateur de sa nouvelle religion et signe, il le dit lui-même, un roman qui, en cela, est politique. C’est parfois attendrissant, rempli de bons sentiments, un peu affligeant aussi. Dans tous les cas, cela ne fait pas de la bonne littérature.

Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 18/11/2013 )
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