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Pocheset Littérature  

L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage
de Haruki Murakami
10/18 - Domaine étranger 2015 /  8.10 €- 53.06  ffr. / 360 pages
ISBN : 978-2-264-06617-6
FORMAT : 11,2 cm × 18,0 cm

Première publication en septembre 2014 (Belfond)

Hélène Morita (Traduction)


Pâle figure

Tout commence comme une belle histoire d’amitié entre cinq adolescents japonais de Nagoya : pour quatre d’entre eux, leurs noms inspirent un surnom, une couleur. Il y a Rouge et Bleu, Blanche et Noire… Mais Tsukuru, le cinquième, ne compte pas de couleur dans son nom, il sera donc incolore. Et alors qu’il est parti à Tokyo pour suivre ses études, ses amis lui signifient, brutalement, sans explication, son éviction absolue du groupe, une sentence incompréhensible que Tsukuru, abasourdi, accepte pendant seize années, jusqu’à ce qu’une femme aimée, Sara, l’incite à retrouver ses amis pour comprendre, et peut-être se reconstruire. Il lui faut donc retrouver ses anciens amis, comprendre les raisons de son éviction, et peut-être ainsi renouer le fil du temps. Mais le temps est passé, et l’histoire s’avère sans doute plus complexe qu’une simple dispute adolescente…

Il y a un petit air kafkaïen dans ce roman, pas de Kafka sur le rivage (même si l’on retrouve, comme d’habitude, le thème musical comme fil rouge de l’histoire) mais du vrai Kafka, celui du Procès, de cette loi mystérieuse qui frappe comme à l’aveugle et sans explication le jeune Tsukuru sans que celui-ci ne réagisse. On est là dans l’un des cauchemars de l’adolescence : être rejeté, sans raison, et sans rémission. Pour Tsukuru, les portes de la mort s’ouvrent devant lui, puis se referment : il est passé entre-temps à l’âge adulte, a fui Nagoya mais reste traumatisé par cette sentence mystérieuse. Et contrairement à K., Tsukuru, passé un long temps, part en quête de sens, pour redevenir complet et pouvoir aimer complètement.

Une jolie parabole donc, sur la solitude, le désir, la communication, voire l’identité sexuelle… mais tout cela reste comme Tsukuru, gentiment pâle, un peu mièvre. Après Kafka sur le rivage, après 1Q84, Murakami fait relâche et livre un roman agréable mais un peu décevant, lisse. L’auteur nous avait habitué à son réalisme magique nippon et avait montré, avec des romans comme La Ballade de l’impossible, qu’il savait également manier l’épure. L’histoire de Tsukuru Tazaki se situe à mi chemin de ces deux romans : un peu de fantastique et de philosophie New Age, quelques moments de simplicité émouvante…

Peut-être est ce une question de public visé : pour les fans du romancier, il s’agit d’un roman gentil, mais mineur, un air de Murakami plutôt que du Murakami. Par contre, les adolescents adoreront ce roman qui les entraînera dans une intrigue bien menée par une plume experte, sans excès de psychologie.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 30/09/2015 )
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