L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Chien
de Samuel Benchetrit
Pocket 2016 /  6.95 €- 45.52  ffr. / 241 pages
ISBN : 978-2-266-26286-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en mars 2015 (Grasset)

Rhinocérisation en mode canin

Samuel Benchetrit a le flair... Un sens de l'urgence humaine. On pense en le lisant à René Char, Char le poète qui signala en des temps obscurs l'évidence de choix moraux lumineux, si lumineux d'ailleurs qu'ils aveuglèrent et firent détourner les regards alors qu'il eût fallu les déciller... La littérature sert à ça, à affronter la lumière, par la poésie, la harangue ou le conte.

Chien relève de ce dernier genre, et peut-être des deux autres aussi : Jacques Blanchot (ce nom est-il d'ailleurs un choix innocent ?...), l'homme moins que rien, deviendra à force d'humiliation Jack le chien. Rhinocérisation en mode canin. Blanchot qui donne a sa femme de l'urticaire ; la marâtre, «enrhumée de haine», agacée par cette blanchoïte officiellement diagnostiquée, met donc le mari à la porte. Son fils ne le regrettera pas plus. Son patron... peut-être, oui, ce qui ne l'empêchera pas de le virer quand même... d'une boutique de matériel d'art à une époque où l'art ne se pratique plus.

Jacques se cache dans un hôtel bas de gamme où il espérait rapporter un chien tout juste acquis, un chien à ce point ignoble qu'il lui fit penser au IIIe Reich (le passage décrivant l'improbable bestiole est formidable de drôlerie), mais qui finit en crêpe sous les roues d'une camionnette, sitôt sorti de sa cage. Fatum... Jacques se retrouve donc sans chien mais avec tout le matériel nécessaire, vendu à prix d'or par le propriétaire du chenil, un certain Max, beauf patibulaire dont Jacques finira par devenir la bête...

Le déclassement, l'animalisation, l'oubli de l'humain chez l'Autre. Samuel Benchetrit, à travers le parcours de cet homme à quatre pattes signale, rappelle... oh... rien de révolutionnaire, juste des évidences, mais de ces évidences trop criantes de vérité pour qu'on tienne nos regards en face. La maltraitance, l'indifférence, la violence de certains rapports qu'on ne dira plus humains, l'oubli, l'hypocrisie, le quant à soi, l'égoïsme aveugle, racisme, confort, sécurité, calme, toutes ces petitesses dressées par une certaine logique (commerciale, politique, sociale) et qu'un conte, qu'une histoire absurde - d'un point de vue scientifique -, souligne d'un trait fin... et lumineux.

L'air de rien...

Thomas Roman
( Mis en ligne le 14/03/2016 )
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