L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Un hiver à Paris
de Jean-Philippe Blondel
Pocket 2016 /  6,20 €- 40.61  ffr. / 187 pages
ISBN : 978-2-266-26160-9
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Tout ira bien

On aime la plume sans fard, sans lard, de Jean-Philippe Blondel, le parti pris du peu de mots pour dire l'indicible, le deuil, la peur, les décalages affectifs qui nous font et nous décousent. Autofiction ou pas, qu'importe. Doit-on savoir qui est ce ''je'' ? Il existe dans les lignes. Cela suffit.

Un ''je'' fragile, encore jeune, celui de Victor, étudiant ayant quitté l'ennui de la Province, une famille qui ne le comprend déjà plus, pour un grand lycée parisien, l'enfer de la prépa. Attention, clichés : Paris, la Province, le Quartier Latin, l'hypokhâgne mangeuse d'hommes... Ils sont là, assumés, dans les observations et le malaise de ce jeune pas tout à fait à sa place dans ce microcosme social devenu topos littéraire. Un rat des champs illustrant les lois bourdieusiennes, brillant mais venu à Paris avec d'autres capitaux, sociaux, culturels, que ceux d'étudiants bien nés n'ayant eu qu'à traverser la rue.

Le récit sur un peu plus d'un an d'une entrée dans l'âge adulte, accouchement dans la douleur commençant par un décès, celui de Matthieu, l'autre-que-soi suicidé dans la cour du lycée. Trop de pressions, de secrets. La faute à qui ? Des parents séparés ? Un professeur trop spartiate ? Des névroses mal digérées?...

Le jeune narrateur étant sans doute l'ami le plus proche de Mathieu - ce qui ne veut quasiment rien dire -, se noue autour de lui, lui qui, jusque-là, était par essence invisible, une série de relations humaines. Avec le proviseur, certains professeurs, le premier de la classe et, finalement, le père de Mathieu, adulte avec qui se tisse un lien étrange... mais nécessaire. Au contact de ces êtres, eux-mêmes hantés par leurs peurs et leur honte, Victor se sent vivre à nouveau, entre effleurement des peaux et dialogues.

Et la confirmation d'une vocation : écrire. Victor devient auteur à l'orée de la tragédie. Le roman est alors celui d'un apprentissage, celui du récit, d'une faculté à tailler dans l'épaisseur du temps des formes étranges, qui ne sont ni réalité ni fantasmes. La littérature, quoi.

Un roman court, dense, touchant, qui murmurera des comptines connues à ceux, provinciaux ou pas, passés au moulin des classes préparatoires. Triste itinéraire d'où, comme souvent chez Blondel, naissent malgré tout les possibilités d'une rédemption, les germes d'un épanouissement intime.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 18/01/2016 )
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