L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Le Théorème d'Almodovar
de Antoni Casas Ros
Gallimard - Folio 2009 /  5 €- 32.75  ffr. / 156 pages
ISBN : 978-2-07-011930-1
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en janvier 2008 (Gallimard - Blanche)

La Belle et la bête

Roman lu d’une traite, d’un savoureux cul-sec littéraire. Moins pour ses courtes 150 pages que pour le voyage initié dès la première ligne : dès le premier mot, on embarque dans un hallucinant grand huit des lettres, une ivresse…

Antoni est en soi une chimère, fils d’une communiste italienne et d’un phalangiste espagnol. L’amour peut être aveugle… Alors, les Parques n’auront fait qu’incarner cette invraisemblance aux revers d’un visage estropié, d’un accident, un platane, le crash qui défigure l’un et enlève au monde l’autre, sa fiancée. Antoni devient dès lors cet Elefant Man contre qui la chirurgie a déposé les armes. Un monstre. «Un homme sans visage est un pronom indéfini». Caché, vivant de lectures, d’écriture, de travail via internet, fort d’un sens des mathématiques faisant de lui un vrai poète…

Et puis, cet étrange retour à la vie, dans l’amour pour une femme qui n’a pas toujours été femme et qui ne l’est pas tout à fait encore, Lisa, à la plastique envoûtante, cachant sans vouloir l’ôter, son reliquat de virilité… Ils s’aiment, elle le voit pour de vrai. «Lisa est le système complexe, je suis le chaos». Une Belle et sa Bête dans un monde qui, en fait, autorise ces idylles étranges, parce qu’il est en soi, lui aussi, monstrueux : «Nous sommes dans le coma politique, dans l’asthénie du cœur. Le pire, lorsque ces sentiments m’assaillent, c’est que je me vois faisant partie de la meute blafarde».

Antoni révère Almodovar, qu’il croise un jour dans les rues de Barcelone : une amitié se noue – est-elle un fantasme d’écrivain ?… - et un film vient se poser sur l’histoire tragique d’Antoni, tragique mais belle, à la fois fauve et d’eau rosée… comme un film d’Almodovar, en somme : «Je tente de regarder le monde jusqu’à ce qu’il révèle sa beauté même si l’opération est étrangement utopique. J’établis le théorème d’Almodovar : il suffit de regarder assez longtemps pour transformer l’horreur en beauté».

L’itinéraire d’une rédemption, d’un retour à la vie passant par l’amour et, surtout, les lettres. Un romancier se cache dans les plis brimés d’un accidenté de la vie, étranges germes lovés au creux d’une terre apparemment stérile, dévastée. Un terreau en fait propice à de bien beaux bourgeonnements. On attend, peut-être – Pedro ? Séduit ?… - l’adaptation cinématographique. On attend, assurément, la suite.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 01/07/2009 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)